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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

tour de promenade ? La vigueur des poignets va décider.

Du bout des doigts d’une seule pince, chacun saisit la belle par la main voisine. L’un à droite, l’autre à gauche, ils tirent de toutes leurs forces, en sens opposés. Les pattes s’arc-boutent en arrière et font levier, les croupes tremblotent, les queues se balancent et donnent élan. Et hardi ! Par secousses, par brusques reculades, ils travaillent la Scorpionne ; on dirait qu’ils se proposent de l’écarteler et d’en emporter chacun un morceau. La déclaration amoureuse est une menace de déchirement.

Entre eux, d’autre part, nulle bourrade échangée directement, pas même une taloche du revers de la queue. Seule la patiente est malmenée, et rudement. À voir ces forcenés s’escrimer de la sorte, on craint que les bras ne soient arrachés. Rien néanmoins ne se disloque.

Lassés d’une lutte sans résultat, les deux concurrents se prennent enfin par les mains encore libres ; ils forment la chaîne à trois et reprennent, plus véhémentes, les secousses d’arrachement. Chacun se trémousse, avance et recule, tiraille de son mieux jusqu’à épuisement. Soudain le plus fatigué abandonne la partie ; il fuit, laissant à son adversaire le tendre objet si passionnément disputé. Aussitôt, de sa pince libre, le vainqueur complète l’équipage, et la promenade commence. Quant au vaincu, n’ayons souci de lui ; il aura bientôt rencontré dans la foule de quoi se dédommager de sa confusion.

Encore un exemple de ces bénignes rencontres entre rivaux. Un couple déambule. Le mâle est de médiocre taille, très ardent au jeu néanmoins. Lorsque sa compagne refuse d’avancer, il tire par secousses qui lui font