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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

une lame de verre quelques jeunes en voie d’excoriation. Ils sont immobiles, très éprouvés, paraît-il, presque défaillants. La peau se rompt sans lignes de fracture spéciales ; elle se déchire à la fois devant, derrière, de côté ; les pattes sortent de leurs guêtres, les pinces quittent leurs gantelets, la queue sort de son fourreau. De partout à la fois, la dépouille tombe en loques. C’est un écorchement sans ordre et par lambeaux. Cela fait, les écorchés ont aspect normal de Scorpion. Ils ont acquis de plus la prestesse. Bien que toujours de teinte pâle, ils sont alertes, prompts à mettre pied à terre pour jouer et courir à proximité de la mère. Le plus frappant de ce progrès, c’est la brusque croissance. Les jeunes du Scorpion languedocien mesuraient neuf millimètres de longueur, ils en mesurent maintenant quatorze. Ceux du Scorpion noir sont passés de la dimension quatre millimètres à la dimension six et sept. La longueur augmente de la moitié, ce qui triple à peu près le volume. Surpris de cette brusque croissance, on se demande quelle en est l’origine, car les petits n’ont pris aucune nourriture. Le poids n’a pas augmenté ; il a, au contraire, diminué, vu le rejet d’une dépouille. Le volume croît, mais non la masse. C’est donc ici une dilatation jusqu’à un certain point comparable à celle des corps bruts travaillés par la chaleur. Une intime modification se fait, qui groupe les molécules vivantes en assemblage plus spacieux, et le volume augmente sans l’apport de nouveaux matériaux. Qui, doué d’une belle patience et convenablement outillé, suivrait les rapides mutations de cette architecture, ferait, je le pense, récolte de quelque valeur. Dans ma pénurie, je livre le problème à d’autres.