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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

prend place, se stabilise, et plus rien ne bouge, ni mère ni petits.

Cette période qui mûrit et prépare l’émancipation dure une semaine, juste ce que dure le singulier travail qui, sans nourriture, triple le volume. En tout, la famille reste sur le dos maternel une quinzaine de jours. La Lycose porte ses petits des six et des sept mois, toujours agiles et remuants, quoique non alimentés. Ceux de la Scorpionne, que mangent-ils, du moins après la mue qui leur a donné prestesse et vie nouvelle ? La mère les invite-t-elle à ses repas, leur réserve-t-elle ce qu’il y a de plus tendre dans ses réfections ? Elle n’invite personne, elle ne réserve rien.

Je lui sers un Criquet, choisi parmi le menu gibier qui me semble convenir à la délicatesse des fils. Tandis qu’elle grignote le morceau, sans aucune préoccupation de son entourage, l’un des petits, accouru de l’échine, s’avance sur le front, se penche et s’informe de ce qui se passe. Il touche aux mâchoires du bout de la patte ; brusquement il recule, effrayé. Il s’en va, et c’est prudent. Le gouffre en travail de trituration, loin de lui réserver une boucbée, le happerait peut-être et l’engloutirait sans autrement y prendre garde.

Un second s’est suspendu à l’arrière du Criquet dont la mère ronge l’avant. Il mordille, il tiraille, désireux d’une parcelle. Sa persévérance n’aboutit pas ; la pièce est trop dure.

J’en ai assez vu : l’appétit s’éveille ; les jeunes accepteraient volontiers de la nourriture si la mère avait le moindre souci de leur en offrir, surtout proportionnée à leur faiblesse d’estomac ; mais elle mange pour elle-même, et c’est tout.