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LES ÉPEIRES

l’étendue d’une paire d’empans. À mesure elle met en place un fil, tiré de sa tréfilerie au moyen des peignes des pattes postérieures. En cet ouvrage préparatoire, nulle apparence de plan combiné. Fougueuse, la bête va, vient comme au hasard ; elle monte, descend, remonte, replonge et consolide chaque fois les points d’attache avec des amarres multiples, çà et là réparties. Le résultat est un maigre échafaudage désordonné.

Est-ce désordonné qu’il faut dire ? Peut-être non. Mieux expert que le mien en ces sortes d’affaires, le regard de l’Épeire a reconnu la disposition générale des lieux ; puis l’édifice funiculaire s’est construit en conséquence, très incorrect à mon avis, très convenable aux projets de l’Aranéide. Que veut l’Épeire, en effet ? Un solide cadre où se puisse enchâsser le réseau du filet. L’informe charpente qu’elle vient de construire remplit les conditions requises ; elle délimite une aire plane, libre et verticale. C’est tout ce qu’il faut.

L’ouvrage en son entier est d’ailleurs maintenant de brève durée ; chaque soir il est refait de fond en comble, car les événements de la chasse le délabrent en une nuit. Le filet est encore trop délicat pour résister aux efforts désespérés du gibier pris. Au contraire, celui des adultes, formé de fils plus solides, est apte à persister quelque temps ; aussi l’Épeire lui donne-t-elle un encadrement plus soigné, comme nous le verrons ailleurs.

En travers de l’aire si capricieusement circonscrite est tendu un fil spécial, première pièce du véritable réseau. Il se distingue des autres par son isolement, sa position à distance de toute brindille qui pourrait gêner son oscillante longueur. En son milieu, un gros point