Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
LES ÉPEIRES

Nous verrons tout à l’heure ce que devient ce coussinet, où l’Araignée, parcimonieuse ménagère, dépose ses économies de bouts de fil ; pour le moment, constatons que l’Épeire le travaille de la patte après chaque rayon posé, le carde de ses griffeltes, le feutre avec une assiduité qui s’impose à l’attention. Ce faisant, elle donne aux rayons un solide appui commun, une sorte de moyeu comparable à celui des roues de nos voitures.

La régularité finale de l’ouvrage semblerait affirmer que les rayons sont filés dans l’ordre même de leur succession sur la toile, de proche en proche, chacun immédiatement après son voisin. Les choses se passent d’une autre manière, qui paraît d’abord désordre, mais est en réalité judicieuse combinaison.

Après avoir tendu quelques rayons dans un sens, l’Épeire accourt du côté opposé pour en tendre d’autres dans la direction contraire. Ces brusques changements d’orientation sont d’une haute logique ; ils nous montrent à quel point l’Araignée est versée dans l’équilibre des cordages. S’ils se succédaient régulièrement, les rayons d’un groupe, n’ayant pas encore d’antagonistes, déformeraient l’ouvrage par leur tension, le ruineraient même faute d’appui stable. Avant de continuer, il est nécessaire de tendre un groupe inverse qui maintient l’ensemble par sa résistance. À tout système qui tire dans un sens doit aussitôt s’en opposer un autre qui tire en sens contraire. Ainsi l’enseigne notre statique, ainsi le pratique l’Araignée, passée maître, sans apprentissage, dans les secrets des constructions funiculaires.

De ce travail discontinu, en apparence désordonné, va résulter, dirait-on, un ouvrage confus. Erreur : les