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Scène III

ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE.
PHILINTE, se jetant au cou d’Alceste.

Mais je le vois.Alceste, embrassons-nous ! Que j’aime
Ce souvenir touchant, qu’en un malheur extrême,
Vous ayez pris le soin de venir, de voler
Vers vos plus chers amis, prompts à vous consoler !

ÉLIANTE, émue.

Rassurez-vous, Alceste, et croyez qu’Éliante
Ne voit pas vos malheurs d’une âme indifférente.

ALCESTE, serrant les mains de ses amis.

Je cherchais, sur la terre, un endroit écarté
Où d’être homme d’honneur on eût la liberté ;
Je ne le trouve point. Hé ! Quel endroit sauvage
Que le vice insolent ne parcoure et ravage ?
Ainsi de proche en proche, et de chaque cité,
File au loin le poison de la perversité.
Dans la corruption le luxe prend racine ;
Du luxe l’intérêt tire son origine ;
De l’intérêt provient la dureté du cœur.
Cet endurcissement étouffe tout honneur !
Il étouffe pitié, pudeur, lois et justice.
D’une apparence d’ordre et d’un devoir factice
Les crimes les plus grands grossièrement couverts,
Sont le code effronté de ce siècle pervers.
La vertu ridicule avec faste est vantée ;
Tandis qu’une morale en secret adoptée,
Morale désastreuse, est l’arme du puissant
Et des fripons adroits, pour frapper l’innocent.

PHILINTE.

Croyez qu’il est encor des âmes vertueuses,
Promptes à secourir les vertus malheureuses.
Il en est, cher Alceste, ainsi que des amis,
Prêts à s’intéresser à vous.

ALCESTE.

Prêts à s’intéresser à vous.Est-il permis
Que, parmi tant de gens présents à ma mémoire,