Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/18

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Créanciers suscités, persécuteurs ardents,
Bruit, menaces, terreur et domestique guerre,
L’enfer est déchaîné pour un arpent de terre :
Et moi, lâche témoin de ce crime inouï,
Je l’aurais enduré ! Je me suis réjoui
De braver les fripons et d’en avoir vengeance :
Et, faisant tête à tous, plaidant à toute outrance,
J’ai soutenu le faible, et le faible vainqueur
A conservé son bien. Alors, la rage au cœur,
Les traîtres ont tourné contre moi leurs machines :
Ils ont tant fait d’horreurs, tant fait jouer de mines,
Tant controuvé de faits avec dextérité,
Que, je ne sais comment, je me vois décrété.
(Il montre un portefeuille.)
J’ai cent preuves, ici, de leur lâche conduite,
Et cependant il faut que je prenne la fuite.
La loi donne aux méchants son approbation,
Et l’exil est le prix d’une bonne action.

ÉLIANTE.

Oui sans doute elle est bonne, Alceste ; je la loue :
Et des lois c’est en vain que le méchant se joue.
Avant peu, croyez-moi, vous aurez de l’appui.
Mon oncle de l’État est ministre aujourd’hui,
Et son rang m’autorise à promettre d’avance
Que vos vils ennemis…

ALCESTE.

Que vos vils ennemis…Qui, moi ? Je l’en dispense.
De vos soins généreux je suis reconnaissant :
Mais la seule vertu doit garder l’innocent ;
Et j’aurais à rougir qu’une main protectrice
Redressât la balance aux mains de la justice.

PHILINTE.

Mais il peut arriver…

ALCESTE.

Mais il peut arriver…Tout ce que l’on voudra :
Des juges ou de moi, voyons qui rougira.

PHILINTE.

Enfin…