Page:Faguet - Le Pacifisme.djvu/19

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de leur principe, et que plus ils sont excessifs, plus ils sont dans le vrai.

Donc les Romains ont pénétré le monde d’esprit guerrier d’autant plus qu’ils l'ont pénétré d’esprit de paix. Ils ont donné à la guerre le mérite, la noblesse et la grandeur de la paix elle-même. Les guerres de pillage des nations barbares et des Grecs eux-mêmes, remarquez-le (comme l’a très bien remarqué Proudhon), ne peuvent pas séduire les esprits ; la guerre romaine en tant que considérée comme œuvre de paix, peut séduire tous les individus et aussi tous les peuples. Elle ôte à la volonté de puissance le scrupule qu’elle pourrait avoir ; elle la satisfait et elle l’excuse et elle la justifie. Elle lui dit, non seulement : « tu es et l’on ne peut pas te méconnaître », mais : « tu es droite et ton œuvre est bonne », d’où il suit qu’elle lui dit, non seulement : « tu as le droit d’être », mais : « tu as le devoir de t’exercer. » Si la seule paix que le monde ait connue est sortie de la guerre, la guerre se justifie par sa fille, et à l’inverse de telle autre noblesse, ses titres de noblesse sont dans ce qui vient d’elle et non dans ce dont elle vient. Les Romains sont peut-être les créateurs du droit ; mais ils le sont tout particulièrement du droit de la force. Toute auréole dont la guerre voudra se parer lui vient directement des sept collines.