Page:Faguet - Le Pacifisme.djvu/99

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une fois. Est-ce une raison ? Cela revient à dire qu’on ne peut s’aimer, ou se supporter, qu’à la condition de s’être aimé ou de s’être supporté toujours. Il y a au fond de cela un singulier rêve, beau du reste ; c’est qu’une querelle, une offense faite est une chose si épouvantable, tellement contre nature, qu’elle est inexpiable et éternelle, qu’elle brise à jamais tout rapport d’homme à homme. L’idée peut avoir sa beauté ; mais de ce qu’elle est belle en tirer cette conséquence de se battre toujours, ce qui est très laid ; et de ce qu’elle est en soi éminemment pacifique, en tirer cette conséquence qu’on se doit éternellement entr’égorger, c’est une erreur de raisonnement très évidente.

Il y a aussi au fond de cette disposition d’esprit cette idée que nos pères n ? ont pas pu se tromper. C’est encore une idée assez respectable ; mais elle est fausse. Nos pères ont eu leurs erreurs comme nous avons les nôtres, et aux nôtres ajouter les leurs, indéfiniment, c’est faire la gageure de multiplier la folie humaine. Tout cela rationnellement ne tient pas debout. Plût au ciel, du reste, qu’il ne tînt debout d’aucune façon.

Troisième cas. Un peuple, le peuple A, qui n’a ni la complexion ni le caractère du peuple B, a été annexé, incorporé par le peuple B ; mais il n’a pas été absorbé par lui. Il se sent autonome, moralement ;