Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/122

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conception répugne à la raison, sent sa barbarie et est indigne de l’homme sage ; mais c’est la nécessité ; c’est-à dire l’impossibilité — inhérente à la matière même, laquelle est imparfaite — qu’il en soit autrement. La bonté de Dieu a été limitée par l’infirmité de la matière. Attribuons le mal à la nécessité et le bien à Dieu.

Pourquoi ? Parce qu’il faut que Dieu soit moral pour qu’on en puisse faire le fondement de la morale. Dès que l’homme s’aperçoit que Dieu n’est pas moral, ou il devient immoral lui-même avec suffisante excuse pour cela ; ou il supprime Dieu ; mais alors, à se sentir seul être moral au monde, il n’a plus assez de force pour rester tel et, comme confondu de la monstruosité qu’il constitue, il incline à se confondre avec l’immoralité de la nature, et dans les deux cas le résultat dernier est le même.

Sauvons donc la moralité de Dieu, pour sauver la moralité humaine. Le seul moyen de sauver la moralité divine c’est, d’une façon ou d’une autre, de ne pas lui attribuer l’origine du mal.

Aussi bien, dans le même dessein, si important, on peut prendre les choses d’un autre biais. Les hommes croient généralement à des dieux, à un grand nombre de dieux. C’est une opinion que nous pouvons accepter pour nous en servir selon nos desseins. On peut supposer un Dieu suprême,