Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/163

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Mais n’y aurait-il pas un bien par delà le plaisir, par delà toute espèce de plaisir et ignorant le plaisir comme s’il n’existait pas ? Quand on réfléchit sur la nature des dieux, on se dit, après quelque méditation, qu’il est aussi ridicule de les croire susceptibles de plaisirs que susceptibles de douleurs et que l’une et l’autre chose sont également indignes d’eux. Ce qu’il y a de fugitif et de toujours incomplet dans le plaisir est tellement contradictoire avec l’idée d’éternité, de plénitude et d’absolu, que l’on voit très bien que qui conçoit la Divinité enlève de cette conception, tout d’abord et par définition, l’idée de plaisir comme l’idée de douleur, non seulement parce que, comme nous l’avons prouvé plus haut, le plaisir est toujours mêlé ou accompagné de douleur, mais parce que le plaisir en soi n’est pas moins que la douleur une imperfection.

Ce n’est pas jouer sur les mots. Le plaisir, quelque pur qu’il soit et quelque noble, est un accident. L’accident ne s’accorde pas avec l’idée d’éternité. On nous dira qu’on peut très bien se figurer comme continu ce qui chez nous est accidentel et que c’est là précisément le plaisir divin dont, certes, les poètes nous ont assez parlé. Mais c’est précisément ce qu’en droite raison, il faut nier, que le plaisir, essentiellement accidentel,