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il est l’artiste, l’instrument et la matière. C’est une esthétique intime, et ce double caractère d’être une esthétique qui dépasse l’esthétique et d’être une esthétique intérieure, donne à l’art moral une valeur supérieure à toute espèce d’art humain.

On sent bien que les arts humains ordinaires, tous ceux que le commun appelle arts, sont des divertissements très distingués, mais rien de plus que des divertissements. Et des divertissements à quoi ? À nos soucis, à nos peines, à nos petitesses et à nos frivolités et à notre ennui. D’abord, oui ; mais de plus divertissements précisément à cet art suprême, difficile et pénible qui consiste à nous modeler nous-mêmes et dont pour toutes sortes de raisons, dont la première est notre goût pour le moindre effort, nous ne nous soucions pas beaucoup de nous occuper.

Les arts, donc, les arts proprement dits, et c’est pourquoi il ne faut ni en dire du mal, ni en dire trop de bien, d’une certaine façon nous mènent à la morale et d’une autre façon nous en détournent. Ils nous y mènent parce qu’ils nous en donnent l’idée ou peuvent très bien nous la donner : l’homme à notre avis doit se dire, mais en tout cas il peut bien se dire : il y a mieux encore que faire une belle statue ou d’inventer une belle harmonie, c’est de faire de soi-même la « statue vivante de la