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POUR QU’ON LISE PLATON

hommes en général vont disant que « le premier bien est la santé, le second la beauté, le troisième la force, le quatrième la richesse, et ils en comptent encore beaucoup d’autres, comme d’avoir la vue, l’ouïe et les autres sens en bon état, comme de pouvoir faire tout ce qu’on veut en qualité de tyran, comme aussi, si c’était possible, de devenir immortel après avoir réuni en soi tous les biens qui viennent d’être énumérés. » Tout cela c’est autant d’erreurs. La jouissance de tous ces biens n’est avantageuse en effet qu’à ceux qui sont justes.

La puissance est le plus grand de tous les maux lorsqu’elle n’est pas accompagnée de la justice, lorsqu’elle est possédée et exercée par un homme injuste. La santé même est un mal pour l’homme injuste, qui en abuse et qui ne peut songer qu’à en abuser ; et il n’est pas besoin de dire que l’immortalité d’un homme vigoureux, puissant et injuste serait un effroyable mal pour l’humanité et pour lui-même.

L’illusion des hommes sur ce point, c’est de croire qu’il vaut mieux commettre l’injustice que de la subir. C’est le plus dangereux des sophismes et le plus faux et qui du reste, pour ce qui est de la morale, contient tous les autres. Le premier article de la morale, au contraire, et Platon ne se lasse