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POUR QU’ON LISE PLATON

ponctuellement les lois, même dures et même injustes, parce qu’elles sont comme nos pères et mères spirituels ; en ayant l’horreur du mensonge et en pratiquant la sincérité avec une sorte de superstition, en combattant en soi l’amour-propre de tout son pouvoir ; car c’est ici le plus grand trompeur qui soit et qui puisse être : « la plus grande des maladies de l’homme est un défaut qu’on apporte en naissant, que tout le monde se pardonne et dont par conséquent personne ne peut se défaire ; c’est ce qu’on appelle l’amour-propre ; amour, dit-on, qui est naturel, légitime et même nécessaire. Mais il n’en est pas moins vrai que, lorsqu’il est excessif, il est la cause ordinaire de toutes nos erreurs. Car l’amant s’aveugle sur ce qu’il aime ; il juge mal de ce qui est juste, bon et beau, quand il croit devoir toujours préférer ses intérêts à ceux de la vérité. Quiconque veut devenir un grand homme ne doit pas s’enivrer de l’amour de lui-même et de ce qui tient à lui… Par suite de ce défaut, l’ignorant paraît sage à ses propres yeux ; il se persuade qu’il sait tout, quoiqu’il ne sache pour ainsi dire rien, et refusant de confier à d’autres la conduite des affaires qu’il est incapable d’administrer, il tombe en mille erreurs inévitables. Il est donc du devoir de tout homme d’être en garde contre cet amour désordonné de