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POUR QU’ON LISE PLATON

que nous désirons c’est d’être aimé perpétuellement ; or on ne désire pas être aimé de ce que l’on n’aime point, et si donc nous voulons être aimés de la postérité, large ou restreinte, c’est que nous l’aimons : un vrai misanthrope ne désire pas du tout la gloire et ne souhaite qu’être oublié.

Le désir de la gloire est donc une forme de l’amour. Il en est même une forme assez précise ; car il est composé partie de vouloir être aimé, partie de vouloir aimer, ce qui est bien l’amour sous ses deux aspects ; et il va jusqu’au sacrifice, ce qui est le propre de l’amour et peut-être de l’amour seul. Le guerrier qui se sacrifie ou le savant qui s’épuise et se tue de travail ne sait peut-être pas qu’il est amoureux. Il l’est de tous ceux par qui il souhaite ardemment que son nom soit prononcé, glorifié et béni. Les amants de la gloire sont ce que les amants proprement dits se flattent d’être, des amants par delà le tombeau.

Il y a un désir de perpétuité aussi et d’éternité dans l’amour de la patrie, et le mot d’amour appliqué à la patrie est très juste. On souhaite par l’amour de la patrie une perpétuité et une éternité collectives. Si l’on désire qu’Athènes soit éternelle, c’est qu’on désire être éternel en tant qu’Athénien. Aimer son pays c’est donc désirer l’éternité d’une certaine façon, et ce désir, comme tout à l’heure,