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POUR QU’ON LISE PLATON

L’homme est un éphémère qui veut être éternel. Probablement c’est, à l’état inconscient et sourdement, la règle même de tout être vivant. Seulement on voit comme dans l’homme elle est manifeste, éclatante et profondément, sinon connue, du moins sentie. L’homme rêve d’éternité comme homme, comme artiste, comme guerrier, comme homme d’Etat, comme citoyen et comme amoureux. On peut dire qu’il en rêve toujours. Notre vie est d’un jour et notre manière de vivre est selon l’éternité. C’est notre loi et notre instinct. L’hérédité la dépose en nous, d’autant plus qu’elle n’est elle-même que l’effet, que le résultat de cette loi même.

Si donc l’amour est une des formes, une seulement, mais une des formes encore du sourd désir d’éternité qui anime les hommes, il est selon notre nature, d’abord, et selon le fond même de notre nature ; et il est aussi une chose très noble, pouvant avoir ses effets funestes ou ridicules, mais noble en soi et généreuse. Il est peut-être vrai que toutes les passions humaines sont bonnes ou peuvent être bonnes et le sont, pourvu qu’on les ramène à leur vrai objet. L’objet de l’amour bien compris c’est l’éternité de la vie ; l’amour est résurrection.

A un autre point de vue, l’amour est aspiration au parfait. A en juger par ses objets ordinaires,