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POUR QU’ON LISE PLATON

qu’à ceux que les difficultés abattent et ils succomberont aux attraits du plaisir comme d’autres à la douleur ou aux privations. Et il arrivera qu’ils pourront devenir les esclaves de deux classes d’hommes très différentes : et de ceux qui seront assez forts pour résister aux plaisirs et de ceux mêmes qui s’y abandonnent sans fougue et comme à une habitude dépourvue de violent attrait ». — Cette opinion peut étonner et troubler quelque auditeur ; mais elle est digne de considération. L’homme vraiment fort doit avoir méprisé le plaisir en le goûtant et s’être rendu supérieur à lui par l’avoir connu et s’être affranchi de lui par en avoir mesuré le néant. L’aiguillon reste à l’abeille tant qu’elle ne nous a pas blessés. L’honnête homme est brave contre tous ses ennemis. Le plaisir en est un, comme la douleur. Il faut aller au-devant de lui comme au-devant d’elle et s’habituer à n’être troublé ni par l’un ni par l’autre. Le vrai sage doit pouvoir dire à la douleur : « tu n’es pas un mal », et au plaisir : « tu n’es pas un bien. »

Pour cela, il faut qu’il ait subi les assauts de l’un comme de l’autre et même qu’il s’y soit prêté. La loi morale pratique c’est : connaître la vie pour en être maître. Nous dirons donc aux jeunes gens : goûtez les plaisirs étant jeunes pour ne point tomber sous leur servitude étant plus âgés et pour ne