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POUR QU’ON LISE PLATON

sa racine c’est peut-être la racine aussi de l’amour des autres que l’on détruit.

L’altruisme, il est bien possible que ce soit le moi élargi. Il est assez difficile d’élargir le moi quand on commence par le supprimer et quand on s’applique à le maintenir toujours à l’état de rien. La sagesse de Platon est froide. Elle éclaire, mais n’échauffe pas. Elle élève l’humanité ; mais surtout elle s’élève au-dessus de l’humanité et rompt presque les liens avec elle ; en tout cas, elle est très loin de s’établir au centre même et comme au cœur de l’humanité. Il est absolument impossible qu’elle devienne populaire, ce que je ne lui reproche pas, mais ce qui est signe qu à tout le moins elle est incomplète. Il n’y aura jamais de populaire que les passions et les intérêts ; mais une philosophie peut avoir ceci de populaire que par un certain côté elle soit capable d’émouvoir la foule et de la remuer fortement pour un certain temps.

Les philosophies qui ont en elles de quoi devenir des religions ont ce caractère. Elles sont des philosophies très pures, très élevées, très spirituelles, mais par certains côtés elles s’adressent au cœur et vont ainsi comme rejoindre ce qu’il y a de meilleur dans ces passions que, du reste, elles combattent, et c’est ainsi qu’elles sont pour un temps embrassées par les foules — et du reste