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POUR QU’ON LISE PLATON

tout de suite beaucoup plus grandes ; car ici ce sont enfin des sentiments, non seulement qui sont mis en jeu, mais qui sont le fond de l’ouvrage. Le public va exiger de la morale, une conclusion morale, une intention morale ou, au moins, je ne sais quel esprit général de moralité.

Cependant pour le poète comique il y a encore un biais, que voici. Il dit au public : Vous voulez rire. Vous avez raison ; car il y a un grand attrait dans les actions ridicules. C’est un attrait qui n’est pas très noble ; mais c’est un attrait vif et qui, même, en ses dernières conséquences, peut avoir son utilité, donc un attrait qui peut être sain. Soit. Vous voulez rire. Eh bien, je vais vous montrer des hommes qui feront des actes ridicules. Seulement, je vous connais, vous voudrez rire moralement. Cela veut dire que vous serez ici partagés entre deux tendances. Voyant des hommes agir, vous chercherez instinctivement le genre de beauté des hommes qui agissent : vous chercherez la beauté morale. Et voulant rire, c’est la laideur morale que vous chercherez en même temps. Il s’agit pour moi de satisfaire une de ces deux tendances, et, au moins, de ne pas blesser l’autre. Pour cela je m’engage à ne donner des ridicules qu’à ceux de mes personnages qui n’auront aucune beauté morale, et à ne donner aucun