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POUR QU’ON LISE PLATON

lité à une farce, parce qu’il est bien entendu que ce ne sont pas des hommes, en vérité, qu’on a sous les yeux, mais des ombres d’hommes, dont les actes n’ont aucun sens profond, et qui ont des gestes plutôt qu’ils n’accomplissent des actes. Pleine fantaisie avec, seulement, la logique superficielle et extérieure propre à la fantaisie. L’écueil ici, dont a pâti Molière, c’est de laisser échapper quelques traits d’observation vraie, qui, ramenant le spectateur à un demi-sérieux, le ramèneraient infailliblement à des préoccupations de moralité et alors lui feraient prendre avec humeur soit l’absence de moralité, soit quelques atteintes légères à la morale.

Et enfin quand nous arrivons à la tragédie… Mais nous n’avons rien dit du poème épique. Occupons-nous-en un instant, comme nous nous sommes occupés du conte, et comme par opposition avec lui. Le poème épique étant un poème sérieux, le public exige de lui la beauté morale. Il veut que les beaux rôles y soient réservés à des personnages qui excitent l’admiration, dont la conduite puisse faire leçon. Il veut même que de l’ensemble de l’œuvre se dégage et se démêle une belle conception morale, au moins une belle vision morale. En certain temps il a été jusqu’à croire (au xviie siècle, au xviiie siècle) que les plus anciens