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POUR QU’ON LISE PLATON

Et elle est très sévère sans qu’il y paraisse au premier abord. Elle lui interdit d’être un charlatan, un habile, un homme qui se demande d’où vient le vent, un serviteur de la mode, un amateur d’honneurs, d’argent et de succès ; elle lui défend même d’être moraliste autant qu’elle lui défend d’être immoraliste ; car si par un art voluptueux on peut viser à un succès très méprisable, par un art à intentions morales, on peut viser à un autre genre de succès, tout aussi méprisable, puisque ce qui est méprisable, c’est la recherche même du succès.

Cette morale défend à l’artiste, même et surtout, de cherchera plaire, et on pourrait aller jusqu’à dire que c’est cette dernière formule qui enveloppe toute la morale de l’art. L’artiste doit chercher à réaliser le beau et non pas à plaire, puisque celui à qui il s’agit de plaire peut très bien ne pas aimer le beau et aimer de fausses beautés. Donc l’artiste ne doit chercher, ni par orgueil à déplaire, ni, par goût de succès, à être agréable ; il doit être absolument indifférent à cette considération ; elle ne doit pas entrer un seul moment de tous dans son esprit. Quand les artistes littéraires de 1660 disaient tous : « le but de l’art est de plaire », ils avaient certainement raison de la façon qu’ils l’entendaient ; car ils vou-