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POUR QU’ON LISE PLATON

ainsi une cité juste, sur le modèle de lui-même. L’homme juste est un homme équilibré, la cité ordonnée est une cité organisée par un homme juste. La cité doit reproduire l’harmonie d’une tête bien faite. Elle n’est réelle qu’à la condition d’être un cerveau réglé par l’instinct de justice et de juste répartition des fonctions et des efforts.

On peut confondre, on doit confondre l’idée d’ordre et l’idée de justice. Ce ne sont que deux formes de la même pensée. Ce qui est ordonné, c’est à quoi préside une idée de justice ; ce qui est juste, c’est que tout soit dans un bon ordre, ou dans un homme ou dans une ville. La justice veut l’ordre et l’ordre a besoin de la justice pour être autre qu’apparent, superficiel et artificiel. La bonne cité, aux yeux peu exercés et au premier regard, déjà bonne du reste réellement, mais pour un temps seulement, c’est la cité ordonnée ; la bonne cité pour qui sait voir, et qui doit rester telle indéfiniment, c’est la cité ordonnée selon la justice et par la justice. La justice, c’est la racine profonde et vivace de l’ordre.

Il existe une théorie, très en faveur auprès des sophistes, qui est précisément le contraire de celle-ci. C’est la théorie du droit de la force, ou plutôt c’est la théorie de la force niant le droit et s’affirmant comme règle des choses. Ceux qui sont