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POUR QU’ON LISE PLATON

« L’homme de bien », comme vous dites, tout autant que le méchant, n’a qu’un désir, « acquérir sans cesse davantage, désir dont toute nature poursuit l’accomplissement comme d’une chose bonne en soi ».

On voit donc bien ce que c’est que la justice. C’est une invention des faibles pour supprimer les forts en leur persuadant d’agir comme des faibles. C’est une convention, toujours désirée par les faibles, — et acceptée par les forts dans un moment soit de défaillance, soit de fatigue, soit de scrupule, religieux ou autre, soit de compétition entre forts, à quoi la loi des faibles mettait fin, soit de bon sens même, mais de bon sens médiocre et méprisable, étant donné qu’il est à peu près vrai que par la « justice » on supprime un mal et un bien et que ce bien est peut-être moins délicieux que le mal n’est rude. Mais enfin la justice est une convention, une fiction, un mensonge, une chose qui n’est pas réelle, puisqu’elle n’est pas dans la nature, et qui a été inventée par les faibles et acceptée par les forts.

Toute la loi du reste est cela et n’est rien autre chose. C’est une violation de l’ordre naturel. Il y a un ordre de la nature et un ordre de la loi. Selon l’ordre de la nature, le plus fort l’emporte et acquiert dans la mesure de sa force. Selon l’ordre