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POUR QU’ON LISE PLATON

D’où il suit que l’abstinence, la tempérance, le respect du droit, l’instinct de justice et l’instinct de sacrifice sont des forces, comme je dis, et non pas des faiblesses, comme vous dites.

Je sais bien, et c’est ce qui vous permet de vous livrer à vos sophismes, je sais bien qu’il y a une manière d’être juste et une autre manière de l’être. Il y a une manière passive. Tels hommes sont abstinents, tempérants et respectueux des droits d’autrui et même des empiétements d’autrui, par timidité. Ce sont de bonnes bêtes de troupeau. Je le reconnais. Mais qui vous dit que ce soit ceux-ci que j’approuve et que je donne pour modèles ? L’homme qui est selon mon cœur, c’est bien le vôtre ; c’est bien l’homme digne du nom d’homme, comme vous dites très bien, c’est bien l’homme à passions fortes et à fortes volontés, mais qui, par raison et vue nette du bien, supprime ses passions ou les tourne du côté du bien et fait servir au bien, met au service du bien et non au service de ses caprices toute la puissance de ces volontés.

Ou encore, si vous voulez, il y a trois classes d’hommes : les timides et pusillanimes, et je dis comme vous que ce sont des faibles ; — les vigoureux et audacieux, qui ne songent qu’à développer leur puissance et qu’à satisfaire leurs passions, et