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POUR QU’ON LISE PLATON

ment de la cité doit être confié aux philosophes !

— Peut-être ; il est vrai…, avec une réserve, à une condition.

— Lesquelles donc ?

— Avec cette réserve qu’on ne confiera pas le gouvernement aux philosophes qui désireront gouverner ; et à cette condition qu’on ne confiera le gouvernement qu’à ceux des philosophes qui ne voudront pas gouverner. C’est très important. Il est étrange que les peuples, en général, ne sachent pas distinguer à quel signe il faut reconnaître ceux qui sont dignes du pouvoir et capables de l’exercer. C’est si simple ! On distingue l’homme qui doit être chef à ceci qu’il ne veut pas l’être. « Si vous trouvez des gens qui préfèrent au commandement une autre condition d’existence et si vous leur confiez le commandement, vous aurez une république bien gouvernée… mais partout où des hommes pauvres, affamés de biens, aspireront au commandement croyant rencontrer là le bonheur qu’ils cherchent, le gouvernement sera toujours mauvais, on se disputera l’autorité, on se l’arrachera ; et cette guerre intestine perdra l’Etat avec ses chefs… Il faut donc confier l’autorité à ceux qui ne tiennent pas du tout à la posséder. »

— Et le véritable philosophe a précisément ce dédain du pouvoir et des honneurs, n’est-ce pas ?