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POUR QU’ON LISE PLATON

On peut appeler, si l’on veut, « tyrannie » l’art « de gouverner un peuple par la violence » ; on peut et l’on doit appeler « politique l’art de gouverner volontairement des animaux bipèdes qui s’y prêtent volontiers ». Or cet art, nous venons de le voir, est tout simplement un art de « tisserand ». Il demande de l’adresse, du coup d’œil, de la promptitude, de la souplesse, de la douceur, de la force et une connaissance très exacte des fils qui doivent composer la trame ; car il faut que tous servent et que nul ne casse. « C’est l’unique tâche et en même temps toute la tâche du tisserand suprême de ne jamais permettre que le caractère doux rompe avec le caractère fort et énergique, de les mêler par une certaine similitude des sentiments, des honneurs, des peines, des opinions, comme par un échange de gages d’union, d’en composer un tissu, comme nous avons dit, à la fois doux et solide et de leur confier en commun les différents pouvoirs dans les Etats. »

Or, à supposer que ce soit un sénat qui gouverne, de quoi sera-t-il composé ? De forts et de doux, évidemment, c’est-à-dire de « chefs énergiques, excellents dans l’action, mais qui laissent à désirer du côté de la justice », et de « chefs modérés qui ont des mœurs prudentes, justes et conservatrices ; mais qui manquent de décision et de cette