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POUR QU’ON LISE PLATON

peut-être éternelle, qui veut qu’il n’y ait pas d’esprit religieux qui ne soit mêlé de polythéisme ; comme le christianisme a établi ou laissé établir, au-dessous du Dieu un, avec les anges, les saints et les madones, tout un polythéisme de bonté, parce que la bonté est l’essence de la religion chrétienne ; Platon a comme aménagé au-dessous, autour ou au sein de son Dieu un, tout un polythéisme, d’intelligence, d’harmonie et d’ordre, parce que l’essence du platonisme est comprendre et ordonner.

Platon combattait donc ses compatriotes avec leurs armes, ce qui est une chance de vaincre et, en tout cas, toujours, une condition du combat ; antiathénien par ses idées, athénien par sa manière de les présenter et même de les avoir.

Aussi a-t-il choqué et plu. Aussi a-t-il froissé et enivré. Les Athéniens ont reconnu un des leurs dans leur adversaire et dans ce novateur un admirable représentant de leur race. L’enfant qui bat sa nourrice plaît à sa nourrice parce qu’il est fort, plus encore quand sa nourrice est sa mère elle-même.

Quant au succès, il faut s’entendre. Selon le point de vue, il fut nul ou il fut immense. Platon s’est proposé, je crois, de régénérer Athènes et non pas de régénérer l’humanité. Il n’a aucunement