Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/40

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rarement changées et où un respect religieux s’attache aux lois anciennes est certainement ce qu’on peut appeler le gouvernement de la loi ou le gouvernement des Lois ; mais, chose remarquable, il n’inspire pas beaucoup plus de respect que l’autre à Platon et il excite tout autant sa verve, sa raillerie et cette ironie éloquente où il excelle.

Il ne faut pas que la fameuse Prosopopée des Lois dans le Criton nous trompe sur ce point. Platon dans le Criton a fait tenir par Socrate, sur le respect dû aux Lois et sur l’obéissance absolue due à la Loi, un très beau langage ; mais cela ne l’a pas empêché de se moquer du régime des Lois dans la Politique.

Si l’on tient à concilier ces deux textes (y tiendrait-il lui-même ?) on pourra dire que dans le Criton Platon veut affirmer simplement que, lorsqu’on a accepté de vivre sous le bienfait de la loi, on n’a point le droit de se dérober à elle au cas où elle vous frappe ou même vous tue, qu’il y a contrat entre elle et vous auquel vous ne pouvez pas vous soumettre quand il vous est favorable et vous soustraire quand il vous lèse (et en effet, il n’y a rien de plus dans la Prosopopée des Lois) — tandis que dans la Politique Platon s’attaque à la Loi elle-même, en soi, et se demande, non pas s’il faut obéir à la Loi dans les États gouvernés par les Lois ;