Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/97

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par des sacrifices et des présents offerts à la divinité. Et, par ce double procédé, ils l’amputent et de toute virilité et de toute moralité. Il y a longtemps déjà que ce peuple n’a plus d’âme.

Aussi, après de terribles blessures reçues et de terribles déchéances, dont il n’a plus l’air de se souvenir le moins du monde, voilà qu’un peuple jeune et fort, qu’il est assez inepte pour mépriser, se dresse au nord et s’apprête à le rayer définitivement du nombre des nations.

Mais précisément n’est-ce pas là une bonne contingence et ne faudrait-il pas justement laisser aller les choses comme elles vont et où elles doivent naturellement aller ?

Je ne sais trop. Outre que le patriote ne peut même pas et ne doit pas se poser cette question, le philosophe a quelque raison d’y répondre négativement. Sans doute ce qui importe à l’humanité c’est que les peuples faibles disparaissent et que les peuples sans moralité, ce qui est à très peu près la même chose, disparaissent, et que les peuples sots, ce qui est encore dans le même ordre d’idées, soient anéantis. Cependant on peut plaider avec quelque raison la cause des peuples faibles, immoraux et sots, qui du reste ont de l’esprit, ce qui, et nous en sommes bien la preuve, n’est pas contradictoire.