Page:Faguet - Propos littéraires, 5e série, SIL.djvu/10

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seconde, qu’on la console. Avec cela et un peu de talent on va très loin. Avec cela et du génie, on va toujours. Victor Hugo ira toujours.

En cela très différent, remarquez-le, de tous les moralistes en prose et de tous les moralistes en vers qui Font précédé. Les moralistes proprement dits ont toujours dit du mal de l’humanité ; — ou, s’il leur est arrivé d’en dire du bien, c’est avec une originalité, une distinction qui les rend peu propres à entrer en communion d’esprit avec la foule.

C’est La Bruyère, morose, ou d’une gaîté sardonique, plus amère que l’humeur chagrine.

C’est Pascal, pessimiste comme un chrétien et comme un janséniste, c’est-à-dire comme un chrétien deux fois chrétien.

C’est La Rochefoucauld, qui « s’arrête où le christianisme commence » ; mais qui s’y arrête bien, à ne pas faire un pas plus loin, et qui, du christianisme, n’a connu que la base, à savoir pessimisme et mépris de la nature humaine, mais qui n’a bougé de ce soubassement, non plus qu’un terme de sa gaine.

C’est Vauvenargues, au contraire d’un optimisme charmant et délicieux, plein de confiance dans les bonnes parties de la nature humaine et presque aveugle à l’égard des autres, en pleine réaction contre la philosophie misanthropique du XVIIe siècle ; aimant les passions quand elles sont nobles et les trouvant quasi toutes susceptibles de le devenir ; mais très élevé, trop élevé, trop select, un peu pré-