Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/165

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épaules semblent brisées et qui penche son front vers la terre, ils se traînent avec effort, en tâchant d’éviter les blancs flocons de la neige.

Dans cette saison, pour garantir ton corps (31), revêts, suivant mon conseil, un manteau moelleux et une tunique flottante jusqu’aux talons ; enveloppe-toi d’un vêtement dont la légère trame est couverte d’une laine épaisse, afin que tes poils hérissés ne se dressent pas sur tes membres frissonnans. Enlace à tes pieds des brodequins formés de la peau d’un bœuf que la force a fait périr et garnis de poils épais dans l’intérieur. Quand le temps de la froidure sera venu, jette sur tes épaules la dépouille des chevreaux premiers-nés et attache-la avec une courroie de bœuf, pour qu’elle te serve de rempart contre la pluie. Couvre ta tête d’un chapeau façonné avec soin et propre à défendre tes oreilles de l’humidité. Car lorsque Borée tombe, l’aurore est froide, et l’air fécond du matin, descendant du ciel étoilé, s’étend sur les travaux des riches laboureurs ; la vapeur émanée du sein des fleuves intarissables, et soulevée au-dessus de la terre par la fureur du vent, tantôt vers le soir retombe en pluie, et tantôt souffle avec violence, tandis que Borée, venu de la Thrace, pousse au loin les épais nuages. Préviens cette tempête et, ton ouvrage terminé, rentre dans ta maison, de peur que du haut des cieux une sombre nuée, t’enveloppant tout entier, ne mouille ton corps et ne trempe tes vêtemens. Évite un tel danger ; ce mois de l’hiver est le plus redoutable de tous ; il est funeste aux troupeaux et funeste aux mortels. Alors ne mesure à tes bœufs que la moitié de leur pâture, mais donne plus d’alimens à l’homme ; les longues nuits diminuent les besoins des animaux. Contracte l’habitude pendant l’année entière de régler la nourriture d’après la durée des jours et des nuits, jusqu’à ce que la terre, cette mère commune, te prodigue des fruits de toute espèce.

Quand, soixante jours après la conversion du soleil, Jupiter a terminé le cours de l’hiver, l’étoile Arcture, abandonnant les flots sacrés de l’Océan, se lève et brille la première à l’entrée de la nuit. Bientôt après, la fille de Pandion, la plaintive hirondelle reparaît le matin aux yeux des hommes, lorsque le printemps est déjà commencé. Préviens l’arrivée de l’hirondelle, pour tailler la vigne : cette époque est la plus favorable ; mais, quand le limaçon, fuyant les Pléiades, grimpe de la terre sur les plantes, c’est le temps non pas de fouir la vigne, mais d’aiguiser tes faulx et d’exciter tes esclaves au travail. Fuis le repos sous l’ombrage, fuis le sommeil du matin, dans la saison de la moisson, lorsque le soleil dessèche tous les corps. Alors, dépêche-toi ; rassemble le blé dans ta maison et sois debout au point du jour, afin d’obtenir une récolte suffisante. L’aurore accomplit le tiers de l’ouvrage ; l’aurore accélère le voyage et avance le travail. Partout l’aurore, dès qu’elle se montre, met les hommes en route et place les bœufs sous le joug.

Lorsque le chardon fleurit, lorsque la cigale harmonieuse, assise au sommet d’un arbre, fait entendre sa douce voix en agitant ses ailes, dans la saison du laborieux été, les chèvres sont très-grasses, les vins excellens, les femmes très-lascives et les hommes très-faibles, parce que le Sirius appesantit leur tête et leurs genoux, et dessèche tout leur corps par ses feux ardens. Alors repose-toi à l’ombre des rochers ; bois du vin de Biblos, choisis pour ton repas des gâteaux de fromage, le lait des chèvres qui ne nourrissent plus, la chair d’une génisse qui n’a pas encore été mère et ne broute que les feuilles des bois, ou la chair des chevreaux premiers-nés. Savoure un vin noir et demeure assis sous l’ombrage, rassasié d’une abondante nourriture, le visage tourné vers la pure haleine du zéphyre, aux bords d’une fontaine qui ne cesse d’épancher des flots limpides. Verse dans ta coupe trois portions d’eau et une quatrième de vin. Dès que l’impétueux Orion commencera à paraître, ordonne à tes esclaves de broyer les dons sacrés de Cérès, dans un lieu exposé aux vents, sur une aire aplanie. Mesure le grain et dépose-le soigneusement dans les urnes. Lorsque tu auras chez toi renfermé ta récolte entière, je t’engage à louer un mercenaire sans maison, à chercher une servante sans enfans, car celle qui en a devient trop importune. Procure-toi aussi un chien à la dent dévorante et ne lui épargne point la nourriture, de peur que le voleur qui dort pendant le jour ne vienne t’enlever tes richesses. Amasse le foin et la paille qui te serviront à nourrir durant une année tes bœufs et tes mulets. Mais ensuite laisse reposer les genoux de tes esclaves et dételle tes bœufs.

Lorsque Orion et Sirius seront parvenus jusqu’au milieu du ciel, et que l’Aurore aux doigts