Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/170

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mure. Mais Phébus-Apollon n’exauça point ses vœux : car il excita contre lui le puissant Hercule. Partout le bois sacré et l’autel d’Apollon Pagaséen (15) brillaient du vif éclat que répandaient les armes de Mars et la présence d’un si terrible dieu. De ses yeux semblait jaillir une ardente flamme. Quels mortels, excepté Hercule et l’illustre Iolaüs, auraient osé s’élancer à sa rencontre ? Ces deux héros en effet étaient doués d’une grande force, et des bras invincibles, attachés à leurs épaules, s’allongeaient sur leurs membres robustes. Alors Hercule adressa la parole à son écuyer, au courageux Iolaüs :

« Iolaüs ! héros, le plus cher de tous les humains, sans doute Amphitryon s’était rendu coupable envers les bienheureux immortels habitans de l’Olympe lorsque, laissant Tirynthe aux palais magnifiques, il vint dans Thèbes couronnée de beaux remparts, après avoir tué Électryon à qui il disputa des bœufs au front large. C’est là qu’il se réfugia auprès de Créon et d’Hénioché (16) au long voile, qui l’accueillirent avec bienveillance, lui prodiguèrent tous les secours dus aux supplians et le chérirent chaque jour davantage. Il vivait heureux et fier de son épouse, d’Alcmène aux pieds charmans, lorsque les années étant révolues, nous naquîmes ton père et moi, différens tous deux de stature et de caractère. Jupiter égara l’esprit de ton père (17) qui abandonna sa maison et les auteurs de ses jours, pour servir le coupable Eurysthée. Le malheureux ! plus tard il en gémit profondément et déplora sa faute ; mais cette faute est irréparable. Pour moi, le destin m’imposa de pénibles travaux. Ami ! hâte-toi de saisir les brillantes rênes de mes coursiers aux pieds rapides, et, l’âme remplie d’une noble confiance, pousse en avant le char léger et les chevaux vigoureux, sans redouter le bruit de l’homicide Mars. Maintenant il fait retentir de ses cris de rage le bois sacré d’Apollon, qui lance au loin ses traits ; mais quelle que soit sa force, il sera bientôt rassasié des fureurs de la guerre.

« Respectable ami ! répondit l’irréprochable Iolaüs, combien ta tête est honorée par le père des dieux et des hommes, et par Neptune Tauréen (18) qui protège les remparts et défend la ville de Thèbes, puisqu’ils font tomber entre tes mains un héros si grand et si fort, pour te procurer une gloire immortelle ! Revêts donc tes belliqueuses armes et combattons soudain en mettant aux prises le char de Mars et le nôtre. Mars ne saurait effrayer ni l’inébranlable enfant de Jupiter, ni celui d’Iphiclès ; je crois plutôt qu’il fuira les deux rejetons de l’irréprochable fils d’Alcée, les deux héros qui sont là, brûlant d’une noble ardeur et tout prêts à combattre, car ils aiment bien mieux la guerre que les festins. »

Il dit et le puissant Hercule sourit en se réjouissant dans son cœur, parce qu’il venait d’entendre un langage généreux. Soudain volèrent de sa bouche ces paroles ailées :

« Iolaüs ! héros nourrisson de Jupiter, voici l’instant du terrible combat. Si tu te montras toujours habile, aujourd’hui encore dirige avec adresse cet Arion (19), ce grand coursier aux crins noirs et seconde-moi de toutes tes forces. »

À ces mots il enlaça à ses jambes les brodequins d’un orichalque (20) splendide, glorieux présent de Vulcain ; puis il ceignit sa poitrine de cette belle cuirasse d’or, magnifique chef-d’œuvre que lui donna Minerve, fille de Jupiter, lorsque pour la première fois il s’élança vers les combats meurtriers. Ce redoutable guerrier suspendit encore à ses épaules le fer qui repoussait le trépas et il jeta derrière lui le carquois profond rempli de flèches horribles (21), messagères de la mort, qui étouffe la voix de ses victimes ; cette mort semblait attachée à leurs pointes trempées de larmes ; polies et longues par le milieu, elles étaient revêtues à leur extrémité des ailes d’un aigle noir. Le héros prit la forte lance armée d’airain et sur sa tête guerrière posa le superbe casque d’acier qui, travaillé avec art, s’ajustait à ses tempes et protégeait le front du divin Hercule.

Enfin il saisit dans ses mains ce bouclier (22) aux diverses figures, que les flèches d’aucun mortel ne purent jamais ni rompre ni traverser, ce boucher merveilleux, tout entier entouré de gypse (23), orné d’un blanc ivoire, étincelant d’un ambre jaune et d’un or éclatant ; garni de lames bleues qui s’y croisaient de toutes parts.

Au milieu se dressait un dragon (24) qui inspirait une terreur indicible et lançait en arrière des regards brûlans comme le feu. Sa gueule était remplie de dents blanches, cruelles, insaisissables. Sur son front menaçant voltigeait l’odieuse Éris (25), cette inhumaine déesse qui, excitant le trouble et le carnage, égarait l’esprit des guerriers assez hardis pour