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ŒUVRES DE PINDARE,

TRADUITES PAR M. AL. PERRAULT-MAYNAND,
MEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES.




NOTICE SUR PINDARE.




Pindare, le plus célèbre des poëtes lyriques, naquit à Thèbes en Béotie, la première année de la lxve olympiade, 520 ans avant J.-C. Il était fils de Scopelinus ; selon quelques autres, de Daïphante ou de Pagondas. L’histoire de ses premières années nous présente un de ces faits extraordinaires que l’antiquité fabuleuse se plaisait à inventer pour jeter un reflet mystérieux sur la gloire de ses grands hommes. On raconte qu’allant à Thespies, dans sa jeunesse, il se trouva fatigué de la route ; qu’il se coucha et s’endormit dans le chemin. Pendant qu’il goûtait les douceurs du sommeil, des abeilles vinrent se reposer sur ses lèvres, et sans lui faire aucun mal y laissèrent un rayon de miel. On vit dans cet événement un présage certain de la célébrité à laquelle parviendrait le jeune Pindare et de la supériorité qu’il obtiendrait un jour sur ses rivaux.

En effet, peu de temps après il remporta sur Myrtis[1] le prix de poésie. Moins heureux en concourant avec Corinne, il fut, au rapport d’Élien, cinq ou six fois vaincu. Pausanias attribue le triomphe de Corinne au dialecte éolien, plus gracieux, peut-être même plus intelligible pour ses juges, mais surtout aux charmes de sa figure ; ainsi on adjugea à la beauté le prix qui appartenait au génie. Toutefois ce léger déplaisir ne fut pas de longue durée ; Corinne elle-même, malgré le jugement qui lui assurait la victoire, proclama la supériorité de son rival[2].

Dans les assemblées publiques de la Grèce, d’où les femmes étaient exclues, Pindare l’emporta sur tous ceux qui osèrent disputer avec lui le prix de la poésie. On lui rendit, de son vivant même, les plus grands honneurs, et les personnages les plus considérables recherchèrent son amitié. Alexandre, fils d’Amyntas, Gélon et Hiéron, rois de Syracuse, le comblèrent de leurs faveurs. Enfin la prêtresse de Delphes déclara qu’Apollon voulait qu’on donnât au poëte la moitié des prémices qu’on offrait sur ses autels, et après sa mort les Thébains décrétèrent que, pour perpétuer la mémoire de leur poëte national, on rendrait à ses descendans les mêmes honneurs. Il eut trois enfans : un fils nommé Diophante, et deux filles, Eumétis et Protomaque.

La vertu de Pindare égalait son génie. Sa candeur et sa simplicité étaient sans bornes, et à toutes les critiques de ses envieux il ne répondait que ces mots : « Il vaut mieux exciter l’envie que la pitié. » Seulement on l’accusait d’aimer un peu trop les richesses. Malgré cela on l’admirait tellement pour son caractère et son génie, que la ville de Thèbes lui éleva, durant sa vie, une statue sur la place publique. Les ennemis les plus acharnés de sa patrie payèrent aussi leur tribut d’hommages à la gloire de ce grand homme. On sait qu’Alexandre, qui avait enveloppé tout un peuple dans le même arrêt, sentit sa colère expirer à la vue de cette inscription :

Pindarou tou mousopoiou tan stegan mê caiété.
Ne brûlez pas la maison du poëte Pindare.

Les Lacédémoniens ayant pris Thèbes quelque temps avant sa ruine par le roi de Macédoine, la démolirent et eurent le même respect pour l’habitation de cet illustre poëte.

Mais ce qui prouve le succès qu’il eut, c’est le grand nombre d’odes qu’il composa sur le même sujet, je veux dire pour les vainqueurs des jeux. Chaque triomphateur était jaloux d’avoir Pindare pour panégyriste, et l’on aurait cru qu’il manquait quelque chose à la pompe de la victoire si le poëte thébain ne l’avait chantée.

Pindare avait composé un grand nombre d’ouvrages lyriques, des hymnes en l’honneur des dieux, surtout d’Apollon, des scholies, ou chansons, des hyporchèmes, ou chants de danses sacrées, et des thronismes pour la cérémonie de l’intronisation dans les mystères d’Éleusis. On lui attribue de plus dix-sept tragédies, des épigrammes en vers héroïques et des éloges ; mais de toutes ces compositions il ne nous reste que ses odes athlétiques, dans lesquelles il célèbre ceux qui de son temps avaient remporté le prix aux quatre jeux solennels de la Grèce.

  1. Myrtis, femme grecque, se rendit célèbre par son talent pour la poésie. Elle eut pour disciples la célèbre Corinne et Pindare.
  2. Fabr. Biblioth. græc., t.1, p. 578.