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la mort d’Iphigénie, immolée sur les bords de l’Euripe, loin de sa patrie, ou peut-être la honte de cet amour adultère, qu’à la faveur des ténèbres de la nuit, recela une couche étrangère.

Mais en vain de jeunes épouses s’efforcent-elles de cacher ce crime odieux. Elles n’échappent point à la langue du vulgaire médisant ; car l’opulence de l’homme puissant aiguise les traits de l’envie et fait frémir tout bas l’indigent.

Ainsi le héros fils d’Atrée trouva la mort à son retour dans les champs célèbres d’Amyclée, et avec lui périt la vierge Cassandre, célèbre par ses oracles. Ce fut donc en vain que, pour venger Hélène, ce prince réduisit Pergame en cendres et dépouilla de leurs richesses ses palais somptueux. Cependant le jeune Oreste son fils, se réfugia au pied du mont Parnasse, chez le vieillard Straphius, et bientôt s’armant du glaive, vengea sur Égiste et sur sa mère le meurtre de son père infortuné.

Mais, ô mes amis ! où s’égarent mes pas incertains ? je ne suis plus la route dans laquelle j’étais d’abord entré. Serait-ce quelque vent contraire qui m’aurait détourné de ma course comme une barque légère ?… S’il est vrai, ô ma Muse ! que tu te sois engagée à mériter le salaire, honorable récompense de tes chants, reviens à ton sujet, et dis-nous comment Trasydée et son père se sont tous deux couverts de gloire. Jadis le père, monté sur un char traîné par de fiers coursiers, obtint le prix des combats fameux d’Olympie ; le fils, naguère déployant ses membres nerveux aux regards de la Grèce, vola dans la carrière de Delphes et couvrit de honte tous ses rivaux.

Pour moi, je borne mes désirs aux biens que les dieux ont mis à ma portée ; et quand je réfléchis que de tous les avantages que procurent à l’homme les institutions politiques, une heureuse médiocrité est le plus solide et le plus durable, je plains le sort des princes et des rois. J’ambitionne donc la possession des vertus privées et sans éclat : elles font le tourment de l’envieux, qui se consume en voyant au faîte du bonheur l’homme simple et tranquille, à l’abri de ses cruelles atteintes.

Heureux le mortel qui touchant aux noirs confins de la vie lègue à ses enfans chéris une bonne renommée, le plus précieux de tous les biens : sa mort est un doux sommeil. C’est à cet avantage que doivent leur célébrité, Jolaüs fils d’Iphiclès, et Castor et Pollux, héros issus des dieux, qui habitent tour à tour Thérapné, leur patrie, et les brillans palais de l’Olympe.

XII.

À MIDAS D’AGRIGENTE,

Joueur de flûte.

Ô toi ! la plus belle des cités qu’ait jamais construites la main des mortels, demeure riante de Proserpine, Agrigente, qui t’élèves comme une colonne sur les bords fertiles de l’Acragas, agrée avec cette bienveillance qui charme et les hommes et les dieux la couronne que dans Pytho Midas vient de remporter : daigne accueillir en lui un vainqueur qui a surpassé les Grecs dans l’art inventé par Minerve.

Jadis cette déesse voulut imiter les affreux gémissemens des Gorgones et les sifflemens que poussèrent les serpens entrelacés sur leurs têtes, alors que Persée, les plongeant dans un deuil éternel, trancha la tête à Méduse leur troisième sœur et avec cet horrible trophée porta la mort dans la maritime Sériphe.

Ainsi fut anéantie la race monstrueuse du divin Phorcus par le fils de Danaé qu’une pluie d’or rendit féconde ; ainsi ce héros, après avoir enlevé la tête hideuse de Méduse, rendit funeste à Polydecte l’odieuse hospitalité qu’il en avait reçue, et brisa les liens de l’hymen que la victoire avait imposé à sa mère.

Cependant quand Pallas eut délivré de ces travaux périlleux le mortel cher à son cœur, elle inventa la flûte pour imiter par les sons de cet instrument les cris lugubres que de sa bouche effroyable poussait la féroce Euryale. Bientôt elle en fit présent aux mortels, et lui donna un nom qui leur rappela que ses sons belliqueux font mouvoir des peuples entiers, en donnant le signal des combats. Modifiés ensuite par l’airain et les joncs que produit le bois sacré du Céphise, près de la ville des Grâces, les accens mélodieux de la flûte présidèrent partout à nos danses et à nos concerts.

S’il est parmi les hommes quelque félicité, elle a été acquise par de pénibles efforts. Ce que le Destin nous refuse aujourd’hui, demain peut-être il nous l’accordera : ses décrets sont inévitables ; mais tantôt l’inconstante fortune dispense aux mortels ce qu’ils n’espéraient point obtenir, tantôt elle leur enlève ce qu’ils se croyaient déjà sûrs de posséder.