Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/255

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conde coupe du nectar de nos hymnes. La première te fut offerte dans Némée, ô Jupiter ! quand ses deux fils y reçurent les prémices de leur glorieux triomphe ; cette seconde, nous la destinons au puissant maître de l’Isthme et aux cinquante Néréides, maintenant surtout que Phylacidas, le plus jeune des deux, vient d’y être proclamé vainqueur. Puissions-nous un jour offrir la troisième en libation à Jupiter Sauveur, qu’Olympie adore, et faire encore une fois tressaillir Égine par la douce harmonie de nos chants !

Le mortel généreux qui consacre avec joie ses travaux et ses trésors à la recherche de la vertu, fille aimable du Ciel, recueille sous la protection des dieux une ample moisson de gloire, et, arrivant enfin au port où il tendait, y jette l’ancre au sein du bonheur et de la paix. Ainsi parvenu au comble de ses vœux, l’heureux fils de Cléonicus attend que la vieillesse blanchisse ses cheveux et le conduise au terme de sa carrière. Puisse Clotho, qui siège sur un trône d’or, puissent ses inflexibles sœurs ne pas repousser la prière d’un mortel qui nous est si cher ! Et vous nobles enfans d’Éaque, maintenant élevés sur un char éclatant, dites si jamais je touchai le rivage de cette île qui vous donna le jour sans éprouver le besoin sacré de chanter vos louanges. La gloire a ouvert devant vous une immense carrière ; vous l’avez parcourue en tous sens, et partout vos exploits ont laissé d’ineffaçables traces, depuis les sources lointaines du Nil jusqu’aux régions hyperboréennes. Non, il n’est point de ville si barbare, si étrangère à notre langage, qui n’ait entendu la Renommée publier la gloire de Pélée, époux de la fille des dieux, d’Ajax et de Télamon son père, que jadis le redoutable fils d’Alcmène conduisit sur ses vaisseaux avec les Tirynthiens contre la superbe Troie. Ce héros si terrible dans les combats, avait reconnu dans Télamon un guerrier courageux ; aussi l’associa-t-il aux travaux qu’il entreprit pour se venger du perfide Laomédon. Ce fut avec ce vaillant compagnon d’armes qu’il s’empara de Pergame, tailla en pièces des peuples entiers, et, dans les champs de Phlégra, terrassa le berger Alcyon, haut comme une montagne : jamais dans aucun combat la main d’Hercule ne tendit plus souvent son arc retentissant.

Sur le point de partir pour les rivages de Troie, il appelle le fils d’Éaque et lui ordonne de faire annoncer le départ de la flotte par la voix du héraut pendant que ses compagnons se livrent à la joie d’un festin. Déjà le fils d’Amphitryon se tient debout, couvert de la peau du lion de Némée ; le brave Télamon le presse de commencer les libations et lui présente une coupe d’or ciselée pleine d’un vin pétillant. Hercule aussitôt levant au ciel ses invincibles mains, s’écrie : « Ô Jupiter, ô mon père ! si jamais tu te montras propice à mes vœux, daigne je t’en supplie, écouter aujourd’hui mon ardente prière. Fais que de ce héros et d’Éribée, son épouse, naisse un fils courageux que je puisse un jour voir assis à ma table hospitalière ; que ses membres acquièrent dans les fatigues et les combats la dureté de la dépouille qui couvre mes épaules et que dans la forêt de Némée j’enlevai au monstre dont la défaite fut le premier de mes travaux ; qu’il soit enfin doué d’un courage et d’une force à toute épreuve ! »

Comme il achevait ces mots, Jupiter lui envoie du haut des airs l’aigle, le roi des oiseaux. À la vue de ce présage, le cœur du héros tressaille de joie ; d’une voix prophétique, il s’écrie : « Il naîtra de toi, ô Télamon ! cet enfant que tu désires ! Tu l’appelleras Ajax du nom de l’aigle qui vient de nous apparaître ; il sera terrible dans les combats, et sa valeur étendra au loin sa puissance. » Après avoir ainsi parlé, le héros s’assit.

Mais il serait trop long de rappeler ici tous les hauts faits des enfans d’Éaque. D’ailleurs c’est en l’honneur de Phylacidus, de Pythéas et d’Euthymène, ô ma Muse ! que tu viens aujourd’hui faire entendre tes hymnes et tes chants. Je dirai donc en peu de mots, à la manière des Argiens, que ces deux illustres frères et leur oncle ont signalé leur courage par de nombreuses victoires au pancrace ; qu’après avoir été proclamés dans les vallons ombragés de Némée, l’Isthme les a encore vus trois fois se ceindre de la couronne du triomphe.

Quel éclat leur gloire ne répand-elle pas sur nos hymnes ! Comme elle attire la douce rosée des Grâces sur la tribu des Psalychiades ! Quelle prospérité assure à la maison de leur aïeul Thémistius, leur présence en cette ville chérie des Immortels !

Par la vigilance et l’activité qu’il apporte à toutes ses entreprises, Lampon fait voir qu’il sait mettre en pratique la maxime d’Hésiode,