Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/265

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traits, indice d’un beau corps. Arrête, arrête, je la vois ! Ô portrait ! tu vas parler.


XXIX.

Sur le jeune Bathylle

Peins-moi mon cher Bathylle comme je vais te le décrire. Que ses cheveux brillants soient noirs à l’intérieur, dorés vers les extrémités : sans liens et sans ordre, que leurs boucles flottent librement ; que son sourcil plus brun qu’un serpent se dessine sur un front jeune et frais comme la rosée ; que son œil soit fier et tendre à la fois, ayant quelque chose de Mars, quelque chose de la belle Cythérée, et vous laissant suspendu entre la crainte et l’espérance ; donne à ses joues de rose le velouté de la pêche et répands sur elles, autant que tu le peux, l’incarnat de la pudeur ; pour la lèvre, je ne sais comment tu pourras la rendre délicate et pleine de persuasion ; enfin que la cire soit éloquente dans son silence.

Voilà son visage. Que son cou d’ivoire soit blanc comme celui d’Adonis ! Qu’il ait la poitrine et les mains de Mercure, les cuisses de Pollux et le ventre de Bacchus ; au-dessus de sa cuisse délicate, de sa cuisse brûlante, peins-nous sa naïve puberté appelant déjà la reine de Paphos.

Mais ton art jaloux nous dissimule le contour de son dos ; cependant il est parfait ! Que te dire de ses pieds ? Prends donc le prix que tu voudras, et de cet Apollon fais Bathylle ; si jamais tu vas à Samos, de Bathylle tu feras Apollon.


XXX.

Sur l’amour

Un jour les Muses ayant enchaîné l’Amour avec des liens de fleurs le livrèrent à la Beauté. Cythérée le cherche, apportant une rançon pour délivrer l’aimable captif : il aurait sa liberté qu’il ne s’en irait pas ; il reste, car il a appris à aimer sa servitude.


XXXI.

Sur son délire

Au nom des dieux, permets-moi de boire, de boire à pleins bords : je veux, je veux un doux délire. Ils furent en délire après le meurtre de leur mère, Alcméon et Oreste aux pieds d’albâtre. Moi qui n’ai tué personne, m’enivrant d’un vin généreux, je veux, je veux un doux délire. Il était en délire, Hercule, quand il eut enlevé le terrible carquois et l’arc d’Iphytus ; il était en délire Ajax, qui heurtait l’épée d’Hector sur son bouclier. Moi, ma coupe en main, la tête couronnée de fleurs, sans arc et sans épée, je veux, je veux un doux délire.


XXXII.

Sur le nombre de ses amours

Si tu peux compter toutes les feuilles des arbres et tous les flots soulevés sur la mer, je te fais le seul historien de mes amours. D’abord dans Athènes, mets vingt amours, ajoute quinze encore ; à Corinthe, comptes-en une foule : les femmes sont si belles dans cette ville d’Achaïe ! Comptes-en deux mille pour Lesbos, l’Ionie, Rhodes et la Carie : « Quoi, diras-tu, toujours ! » Je ne t’ai encore parlé ni de la délicieuse Canope ni de la Crète, île charmante où l’amour parcourt les cités en célébrant ses mystères. Hé quoi ! irai-je encore te raconter tous les amours de mon cœur au-delà de Gadès, de la Bactriane, et de l’Inde !


XXXIII.

Sur l’hirondelle

Aimable hirondelle, toi qui chaque année au printemps viens faire ton nid sur nos bords, tu disparais en hiver et tu t’enfuis vers le Nil ou vers Memphis.

Pour moi, toute l’année, l’amour niche dans mon cœur ; un nouveau-né se revêt déjà de plumes, un autre est dans l’œuf, un troisième a brisé sa coquille à moitié : on entend le gazouillement perpétuel de la jeune couvée qui ouvre le bec. Les plus grands donnent la becquée aux plus jeunes. À peine élevés, ils font une nouvelle couvée à leur tour. Que faire ? Je ne puis, hélas ! suffire à tant d’amours !


XXXIV.

À une jeune fille

Ne me fuis pas, ô jeune fille ! en voyant ma