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la blessure un peu de poussière de cette pierre broyée. Aussitôt la violente maladie perdit sa force. Tel est le secours que la terre engendre sur les montagnes pour les hommes : c’est un remède pour les héros blessés ; c’est un remède pour les femmes stériles, et un moyen de concevoir des enfans chéris, car les dieux accordent aux mortels des remèdes de diverse nature. Ainsi, Euphorbe, le pasteur de taureaux, instruit, par ma mère Abarbarea, qui était habile et renommée pour guérir les maladies, me répéta que l’admirable ophite n’était pas seulement infaillible contre les serpens, mais encore qu’elle rendait la lumière aux yeux et qu’elle calmait les douleurs de la tête. Il est certain qu’un homme qui avait perdu l’usage de ses oreilles, s’en étant servi, parvint à entendre les sons d’une voix excessivement faible. Un autre, que la colère de la blonde Vénus avait rendu incapable de s’abandonner aux voluptueux désirs de l’amour, parvint à recouvrer sa santé : en outre, si tu jettes cette pierre dans le feu, les reptiles fuiront son odeur et ils ne pourront pas la supporter, fussent-ils cachés dans leurs plus obscures retraites.

XII.

LE JAIS.

Les reptiles fuient aussi le jais dont la mauvaise odeur éloigne tous les mortels. Il est couleur de flamme, plat et peu grand. Il jette un rayon de feu semblable à celui d’une branche de pin aride ; mais il exhale en même temps une odeur putride qui est insupportable. Il peut vous servir à faire connaître les hommes qui sont attaqués d’une maladie sacrée, car de suite, en le sentant, ils seront courbés, précipités à terre, et, privés de leurs sens, ils se rouleront ainsi de droite et de gauche. La Lune aux pieds légers et qui porte des cornes, la Lune irritée a le cœur rempli de joie quand elle les voit ainsi succomber à leur mal. Le jais est encore utile aux femmes parce qu’il fait écouler les portions d’humeur qui leur restent au bas du ventre. Ceux que cette pierre a ainsi guéris du mal de ventre se réjouissent, car ces souffrances sont graves et sérieuses. J’ai entendu attribuer encore à la pierre de jais bien d’autres précieuses qualités, mais il suffit qu’elle chasse par son odeur les reptiles dangereux pour qu’elle te charme infiniment.

XIII.

LE CORYPHODE.

Qui ne sait pas que cette pierre chevelue mêlée à de l’ail aigre chasse les insectes qui blessent la tête et les scorpions qui lancent des dards acérés. Elle est parfaitement semblable à la chevelure d’un homme. Broyée dans un vin généreux, elle délivre des blessures de l’aspic qui engendre la mort terrible. Si on la mêle modérément avec de l’huile rosée, et qu’on se frotte avec ce mélange chaud, on aura un excellent remède pour les douleurs du col. En la mêlant avec du miel, on dissipe les eaux dangereuses qui s’amassent dans le ventre des hommes et peuvent menacer de dégénérer en tumeur indécente dans les parties masculines.

XIV.

LE CORAIL.

Sachez aussi que le corail qui a emprunté toute sa force à Persée, peut délivrer des dards des scorpions et rendre impuissante la morsure mortelle de l’aspic. Phébus à la belle chevelure m’a dit que de toutes les choses qui naissaient, c’était sans contredit la plus belle de la nature ; elle avait été créée par une transformation, ce qui d’abord peut paraître faux, mais ce qui est très vrai. C’est d’abord une herbe verte, elle ne croît pas sur la terre que nous savons être la forte nourrice de toutes les plantes, mais dans la mer stérile, comme les algues, comme les mousses délicates. Lorsqu’elle est parvenue à la vieillesse, ses feuilles sont corrompues par les ondes et elle nage dans les profondeurs de la mer mugissante jusqu’à ce que les flots la rejettent sur le rivage. Ceux qui l’ont vue prétendent qu’ainsi exposée au souffle de l’air elle se durcit. Peu après, son écorce se solidifiant, elle est changée en pierre et vous pouvez manier dans vos mains ce qui auparavant était un corps frêle ami de l’eau. Elle garde sa première conformation d’herbe qu’elle avait auparavant, elle garde ses rameaux qui portaient des fruits et la racine même qui lui apportait le suc vivifiant. Elle est en pierre absolument ce qu’elle était en plante. Votre esprit serait enchanté si vous la voyiez ; quant à moi, je ne sais quel charme infini descend dans mon cœur toutes les fois qu’il m’est donné de la contempler. Mes