Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui seuls leur restent pour rendre toutes leurs idées, soit en variant les intonations, soit en les accompagnant de gestes plus ou moins expressifs destinés à suppléer à l’insuffisance du langage. Dans ces circonstances, on peut encore observer deux variétés de troubles qui paraissent en rapport avec le degré plus ou moins grand de conservation de l’intelligence : tantôt, en effet, les malades n’ayant à leur disposition qu’un petit nombre de mots qu’ils emploient à tout propos, ou bien même proférant malgré eux un mot au lieu d’un autre, s’aperçoivent très bien de leur erreur, s’en irritent, demandent qu’on leur vienne en aide et souvent alors peuvent, avec un effort, répéter le mot qu’on leur fournit, ou bien ils peuvent l’écrire ; tantôt au contraire, tout en s’apercevant en partie des non-sens qu’ils profèrent, ces malades ne peuvent cependant s’empêcher de les prononcer ; ils ne peuvent plus parvenir à se rectifier par la parole, puisqu’ils sont incapables de répéter le mot qu’on prononce devant eux, ou en disent un autre par erreur, ni par l’écriture, puisqu’en prenant la plume ils écrivent un mot autre que celui qu’ils ont en tête, ou bien ils ne peuvent mettre par écrit le mot qu’on leur dicte, l’écrivent incomplètement, ou y ajoutent malgré eux certaines lettres ou certaines syllabes. Nous avons cité, plusieurs exemples de ces diverses variétés de perversion de la mémoire, de la parole et de l’écriture.

Dans les faits de cette catégorie, l’intelligence est déjà évidemment plus troublée que dans ceux de la catégorie précédente. Il y a en effet, à la fois, amnésie verbale, perversion de la faculté d’exprimer sa pensée par la parole et perversion simultanée ou isolée de l’exprimer par l’écriture.

Mais il est des degrés plus avancés de perturbation du langage qui dénotent encore un plus grand trouble de l’intelligence. Dans ces cas, non seulement les malades ne trouvent plus les mots nécessaires pour rendre leur pensée, ou bien emploient d’autres mots à la place, ayant ou non conscience de leur erreur, mais ils prononcent malgré eux des syllabes isolées, des phrases incomplètes ou incompréhensibles, qui se trouvent intercalées au milieu d’autres mots ayant un sens, ou bien même ils parlent un langage tout à fait inintelligible et profèrent des mots qui n’existent dans aucune langue.

Dans ces cas, les malades connaissent encore très bien l’idée qu’ils