Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/103

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Madame Terrien n’eut pas l’air de trouver la question le moins du monde extraordinaire.

— Parce qu’il ne m’aimait pas et que je ne l’aimais pas.

— Ah !… – murmura Alice.

Avec un pressentiment singulier, elle attendait précisément cette réponse. Et elle continua de scruter le visage jeune de son amie, – jeune malgré la couronne argentée des cheveux.

— Il me semble, – madame Terrien pensait tout haut, plutôt qu’elle ne parlait, – il me semble que mon histoire vous intéresserait… Et je ne crois pas qu’elle soit d’un mauvais exemple pour quelqu’un qui entre dans la vie. Au temps jadis, les vieilles femmes enseignaient les petites filles… Ma mignonne, on m’a mariée à seize ans, naïve comme si j’en avais eu sept ; et tout le malheur de ma vie est venu de là. Mon père était en relations d’affaires avec M. Terrien, – tous deux négociants à Marseille. – Entre deux achats d’huiles ou de savons, ils ont signé mon contrat. Mon père n’était pas un méchant homme. Il m’avait consultée ; il n’aurait certainement pas forcé ma volonté. Mais je n’avais pas de volonté : pour vouloir, il faut savoir ! Et je ne savais même pas, comme dit la chanson, à quoi servait un mari ! Alors j’ai dit oui. Mon fiancé m’envoyait tous les jours une gerbe de roses blanches et m’attirait dans les petits coins pour baiser mes mains. Je me trouvais très heureuse. Ça a duré jusqu’au soir du mariage. Le lendemain j’étais écœurée, révoltée, meurtrie, pour toujours.