Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais j’ai en main une tasse vide qui m’encombre beaucoup…

— Oh ! que je suis confus !…

Déjà il avait pris la tasse et baisé la main d’un seul geste.

— Merci… Maintenant je vais vous répondre !

Et elle se redressa souple comme un fleuret, et elle fit face à l’adversaire :

— Oui, j’estime qu’une femme est libre d’aimer qui elle veut, quand elle veut, et autant de fois qu’elle veut. Mais j’estime aussi qu’une petite fille, emmurée dans ses préjugés héréditaires ou acquis, n’est pas une femme. Et si vous brisiez brutalement la prison, et si vous jetiez tout à coup la prisonnière au plein soleil, vous seriez fou ou criminel. Car vous ne feriez que l’éblouir et que l’aveugler. Si bien qu’elle sortirait de son cachot non point affranchie, mais infirme pour toujours.

Elle marcha par le salon, puis s’accouda à une fenêtre. Fougères vint auprès d’elle et s’accouda aussi :

— Savez-vous ? – dit-il à voix basse, – j’en viendrai à douter vraiment de votre sincérité. En paroles, vous êtes la plus moderne et la plus audacieuse des femmes. En actions… hélas ! hélas ! nous en sommes toujours à l’unique baiser de là-bas… Ma bouche pourtant, ce matin-là, ne vous avait pas déplu, je crois ?…

Elle le regarda droit aux yeux :

— L’amour souffle où il veut, mon cher ! Le jour que vous rappelez, ce n’était d’ailleurs pas votre