Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/131

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s’élevait et s’abaissait, pareil au tonnerre encore lointain d’un dieu qui s’irrite. Derechef, il n’y eut plus que le chant pastoral et les harmonies naïves de la montagne et de la forêt.

Mais la phrase tortueuse revint, s’insinua parmi les sons purs, comme une vipère dans un jardin, et siffla peu à peu par toutes ses notes grêles. Un frémissement singulier l’accompagnait, une vibration chaude et sensuelle que énervait et alanguissait. Aussitôt des sonorités farouches se précipitèrent. L’orgue tonna. Une colère divine subjugua pêle-mêle et la symphonie pastorale et le motif perfide et lascif qui tentait de s’y substituer. Tout sombra d’abord sous une marée déferlante d’accords heurtés, agressifs, implacables. Mais, comme cette fureur sonore s’apaisait, la phrase grêle se redressa intacte, et, intacte autour d’elle, la même vibration voluptueuse.

Alors une bataille se livra. Au grondement des voix basses de l’orgue, le sifflement reptilien du motif rebelle osa résister. Un tumulte de notes graves et de notes hautes se déchaîna. Mais promptement celles-ci l’emportèrent. La phrase incisive et tortueuse, accrue, renforcée, triompha, et le frémissement sensuel qui s’y mêlait s’épanouit tout à coup en un large chant de désir, d’ivresse et d’amour. Les sons épars se pacifièrent et, ressuscitée pour un hymne de gloire final, la symphonie biblique du commencement vint s’unir au motif vainqueur, pour l’agrandir jusqu’au sublime en le sacrifiant.

Carmen de Retz, théâtrale, enlaça la tête du musicien et le baisa au front.