Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/225

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suis venue vous voir faire votre cour à mademoiselle Dax. Une stupide curiosité m’a poussée. Ne m’en veuillez pas ! ça n’offre aucun inconvénient, que je sois ici, dans cette ville où pas un chat ne me connaît ! ça ne peut en rien contrarier vos plans ; personne au monde ne sait notre ancienne… amitié… Donc !… Seulement j’espérais bien ne pas vous rencontrer ; et c’est ridicule comme tout, de tomber ainsi, du premier coup, l’un sur l’autre.

Fougères continuait de se taire. Ce ne fut qu’au bout d’une longue minute qu’il murmura :

— Ridicule… Je ne trouve pas… Inquiétant, oui !… Le destin nous attache… nous attache solidement… l’un à l’autre…

— Ah ! non !… La ficelle est cassée, soyez tranquille !… D’ailleurs… je vous rassure tout de suite… J’ai… j’ai fait ce que j’avais dit.

— Hein ? quoi ? Qu’aviez-vous dit ?…

— Que je vous oublierais… vite… très vite… et qu’au besoin…

— Non ?… Carmen, vous n’avez pas ?…

— Si !…

— Vous…

— Oui, mon ami… Je vous ai donné un successeur. Il le fallait, c’était plus sûr. C’est fait. J’ai un amant. Ici, à Lyon !

Elle se tenait devant lui, la taille cambrée, les lèvres un peu tremblantes. Il avait baissé les yeux. Il souffrait confusément, d’une souffrance physique qui meurtrissait à petits coups aigus ses poumons et sa nuque.