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politiciens, politiciens venus d’autres partis ou d’autres sectes dont la caisse sonnait le vide. D’autre part, les partis politiques naissants sont généralement pauvres en argent, mais ils sont riches en espoir de développement. Aussi recrutent-ils facilement des ambitieux qui calculent qu’en ayant un peu de patience, ils pourront se faire la place convoitée. Ces ambitieux-là savent, en effet, que dans les partis déjà vieux, les cadres sont pleins et qu’ils auraient à surmonter d’innombrables difficultés pour se tailler une part suffisante du gâteau. Et c’est à cause de toutes ces considérations, que les anarchistes peuvent avoir pleine confiance dans leurs militants. Les politiciens ne s’aventurent pas chez eux puisqu’ils n’y pourraient récolter que la misère et les persécutions. Inutile, naturellement, de multiplier les exemples d’apostasie : la chose est devenue tellement courante en politique, qu’il n’y a qu’à regarder autour de soi pour considérer des renégats de toute espèce.

APÔTRE n. m. (du grec apostolos ; de apo, loin et stellein, envoyer). Le mot apôtre a servi tout d’abord à désigner chacun des douze disciples que Jésus-Christ chargea, d’après la légende, d’aller prêcher l’évangile. Mais le sens du mot s’est élargi par la suite. Le mot apôtre sert aujourd’hui à désigner celui qui se voue à la propagation et à la défense d’une doctrine. Ex. : Kropotkine et Bakounine sont des apôtres de l’anarchisme. Mais ici comme en beaucoup de choses, il convient de faire attention aux faux apôtres, aux individus qui cherchent à se faire passer pour les martyrs d’une cause, à seule fin de pouvoir plus facilement duper la foule. Le trait distinctif de tout véritable apôtre est le désintéressement, le vrai celui qui fait fi de tout : argent et popularité. Peu importent à l’apôtre sincère, l’argent et la gloire. Il saura propager les idées qu’il a reconnues justes même — et surtout — si sa propagande est ardue et ne lui attire que persécutions. Son attachement aux doctrines qu’il sert est si vivace qu’il est prêt à tout sacrifier — au besoin sa liberté, ses amitiés, sa vie même — au triomphe de ses convictions. Rien ne l’arrêtera. Il a fait don de sa personne à son idéal et son dévouement est absolu. Le faux apôtre, au contraire, sous une apparence de dévouement, ne cherche qu’à satisfaire ses appétits et ses intérêts propres. C’est un comédien qui sait, à l’occasion, jouer au persécuté. Tous les politiciens des partis dits populaires se font plus ou moins passer pour de bons apôtres soucieux jusqu’à l’abnégation du bien de la masse des travailleurs. Ce sont des fourbes sans scrupules, qu’il faut démasquer sans répit. D’ailleurs, qu’il arrive le moindre danger pour eux et ces apôtres de pacotille savent disparaître ou évoluer savamment. C’est aux anarchistes qu’il appartient de dénoncer au peuple, les parasites qui se font une renommée tapageuse à ses dépens. Et c’est également aux anarchistes qu’il appartient de savoir entourer d’une affection et d’une camaraderie indéfectibles, les véritables apôtres.

Georges Vidal.

APPARENCE n. f. (du latin apparere, apparaître). L’apparence est ce qui frappe la vue ou l’esprit. C’est l’aspect extérieur des choses et des êtres, aspect auquel nous sommes trop souvent tentés de nous fier. Un proverbe judicieux nous dit : « Les apparences sont souvent trompeuses », Et ce n’est que très vrai. Tout le monde se laisse prendre aux apparences. Les bourgeois ne manquent pas de se duper entre eux en dissimulant leurs sentiments ou leurs affaires sous un voile doré. Mais naturellement le plus berné de tous est le peuple qui s’englue aux boniments doucereux et prometteurs des politiciens de tout acabit et des

arrivistes de toute espèce. Régulièrement le peuple se laisse prendre au bagoût des bateleurs qui, sous l’apparence d’honnêtes tribuns, le grugent et le dépouillent. Plus les apparences sont enjôleuses, plus il faut être prudent. Il faut gratter le vernis superficiel et voir ce qu’il y a dessous. Il se peut que le fond corresponde à l’apparence. Mais il faut commencer par s’en assurer, si l’on veut éviter d’être la dupe sempiternelle.

APPEL (Cour d’) n. f. Tribunal dont la fonction est d’examiner en deuxième instance tous les procès correctionnels ou civils dont l’issue a été contestée soit par le condamné, soit par le plaignant ou le procureur de la République.

Cette institution est une des plus grandes hypocrisies des régimes étatiques.

Si l’on veut uniquement s’en tenir à la lettre, on peut croire que c’est un maximum de garantie de liberté qui fut accordé au citoyen en dotant le système judiciaire d’une Cour d’Appel au siège de chaque ressort juridique.

En effet, que dit le Code d’Instruction Civile et Criminelle ?

Ceci : « Chaque fois qu’un citoyen aura comparu devant un tribunal de première instance et qu’il croira avoir été condamné à tort, il pourra faire appel de ce jugement auprès du procureur de la République, lequel sera tenu de communiquer le dossier à une chambre d’appel qui, en une audience contradictoire, aura à statuer sur le bien fondé de l’appel.

« L’appelant aura toute faculté pour apporter au cours de cette audience, les arguments en faveur de sa non-culpabilité. La chambre d’appel se prononcera donc en toute indépendance et ayant en mains tous les éléments de la cause.

« Elle pourra annuler, diminuer, maintenir ou aggraver, s’il y a lieu, le premier jugement. »

Or, du commencement à la fin, il y a dans l’application de ce texte, la plus noire hypocrisie.

D’abord, l’avocat-général, au nom de l’État, demandera toujours le maintien ou l’aggravation de la peine.

Ensuite, la composition même de la Cour d’Appel est un défi au bon sens.

Car tous les conseillers à la Cour sont d’anciens présidents de correctionnelle ou juges d’instruction. Et l’on sait que la solidarité professionnelle — qui est en grand honneur dans la magistrature — oblige les conseillers à maintenir les jugements de leurs confrères.

Chaque conseiller se souvient alors, qu’il fut, avant d’occuper cette charge, un juge plus modeste — il se rappelle que, s’il avança en grade, c’est parce que les conseillers à la Cour n’annulèrent jamais ses sanctions — car chaque fois qu’un jugement est annulé, c’est un retard dans l’avancement pour le juge désavoué. Et alors, il fait pour ses successeurs de correctionnelle ce qu’il fut heureux qu’on fasse pour lui-même.

Et puis, pour un procès d’opinion, quelle infecte comédie !

Le militant est poursuivi par le Gouvernement, condamné en correctionnelle par ordre du Gouvernement — il est donc obligé d’être maintenu en prison par les conseillers dont l’avancement dépend du Gouvernement.

Aussi ne voit-on jamais de militant acquitté par la Cour d’Appel. Chaque fois, la sentence est confirmée — ou aggravée.

L’institution même de la Cour d’Appel est un non-sens qui nous donne raison, à nous, anarchistes, quant à notre critique de toutes les magistratures.