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d’affranchissement, mais sera toujours créateur de nouveaux monopoles et de nouveaux privilèges.

« 3. La double tâche du syndicalisme révolutionnaire est la suivante : d’un côté il poursuit la lutte révolutionnaire quotidienne pour l’amélioration économique, sociale et intellectuelle de la classe ouvrière dans les cadres de la société actuelle. De l’autre côté, son but final est d’élever les masses à la gestion indépendante de la production et de la distribution, ainsi qu’à la prise de possession de toutes les ramifications de la vie sociale. Il est convaincu que l’organisation d’un système économique reposant, de la base au faîte, sur le producteur ne peut jamais être réglée par des décrets gouvernementaux, mais seulement par l’action commune de tous les travailleurs manuels et intellectuels dans chaque branche d’industrie, par la gestion des fabriques par les producteurs eux-mêmes sous une forme telle que chaque groupement, usine ou branche d’industrie soit un membre autonome de l’organisme économique général et développe systématiquement sur un plan déterminé et sur la base d’accords mutuels, la production et la distribution dans l’intérêt de toute la communauté.

« 4. Le syndicalisme révolutionnaire est opposé à toute tendance et organisation centralistes qui ne sont qu’empruntées à l’État et à l’Église et qui étouffent méthodiquement tout esprit d’initiative et toute pensée indépendante. Le centralisme est l’organisation artificielle de haut en bas qui remet en bloc, aux mains d’une poignée, la réglementation des affaires de toute la communauté. L’individu ne devient alors qu’un automate dirigé et mis en mouvement d’en haut. Les intérêts de la communauté font place aux privilèges de quelques-uns ; la diversité est remplacée par l’uniformité ; la responsabilité personnelle fait place à la discipline inanimée ; le dressage remplace l’éducation. C’est pour cette raison que le syndicalisme révolutionnaire se place sur le point de vue de l’organisation fédéraliste, c’est-à-dire de l’organisation de bas en haut, de l’union libre de toutes les forces sur la base des idées et intérêts communs.

« 5. Le syndicalisme révolutionnaire rejette toute activité parlementaire et toute collaboration avec les organismes législatifs. Le suffrage le plus libre ne peut faire disparaître les contradictions flagrantes existant au sein de la société actuelle ; le système parlementaire n’a qu’un seul but, celui de prêter un simulacre de droit légal au règne du mensonge et de l’injustice sociale ; amener les esclaves à apposer le sceau de la Loi à leur propre esclavage.

« 6. Le syndicalisme révolutionnaire rejette toutes les frontières politiques et nationales arbitrairement fixées et ne voit dans le nationalisme que la religion de l’État moderne, derrière laquelle se cachent les intérêts matériels des classes possédantes. Il ne reconnaît que des différences d’ordre régional et exige pour tout groupement le droit de sa propre détermination en accord solidaire avec toutes les autres associations d’ordre économique, régional ou national.

« 7. C’est pour les mêmes raisons que le syndicalisme révolutionnaire combat le militarisme sous toutes ses formes et considère la propagande anti-militariste comme une de ses tâches les plus importantes dans la lutte contre le système actuel. En première ligne, il faut considérer le refus individuel et, surtout, le boycottage organisé contre la fabrication du matériel de guerre.

« 8. Le syndicalisme révolutionnaire se place sur le terrain de l’action directe et soutient toutes les luttes qui ne sont pas en contradiction avec ses buts : l’abolition du monopole économique et de la domination de l’État. Les moyens de lutte sont : la grève, le boycottage, le sabotage, etc. — L’action directe trouve son

expression la plus profonde dans la grève générale qui, en même temps, doit être, du point de vue du syndicalisme révolutionnaire, le prélude de la révolution sociale.

« 9. Ennemis de toute violence organisée entre les mains d’un gouvernement quelconque, les syndicalistes n’oublient pas que les luttes décisives entre le capitalisme d’aujourd’hui et le communisme libre de demain ne se passeront pas sans collisions sérieuses. Ils reconnaissent, par conséquent, la violence comme moyen de défense contre les méthodes de violence des classes régnantes dans la lutte pour l’expropriation des moyens de production et de la terre par le peuple révolutionnaire. Tout comme cette expropriation ne peut être commencée et menée à bonne fin que par les organisations économiques révolutionnaires des travailleurs, la défense de la révolution doit aussi se trouver dans les mains de ces organismes économiques et non dans celles d’une organisation militaire ou autre œuvrant en dehors de ces organes économiques.

« 10. Ce n’est pas dans les organisations économiques révolutionnaires de la classe ouvrière que se trouve la force capable de réaliser son affranchissement et l’énergie créatrice nécessaire pour la réorganisation de la société sur la base du communisme libre. »

Dès lors, l’A. I. T. se développa toujours progressivement. Elle réunit aujourd’hui en son sein toutes les organisations professionnelles et syndicales révolutionnaires antiautoritaires.



L’A. I. T. eut son 2e Congrès en Hollande, au printemps 1925. L’organisation y fut fortifiée. Elle prit nettement position vis-à-vis des autres tendances dans le mouvement ouvrier. La résolution suivante y fut adoptée :

Résolution du Congrès d’Amsterdam

Le deuxième congrès de l’A. I. T. réitère sa conviction fixée dans les statuts de l’A. I. T., à savoir :

« Que, bien que toutes les organisations économiques du prolétariat soient capables de lutter pour les revendications économiques au sein de la société actuelle et de les réaliser, seules les organisations ouvrières révolutionnaires anti-autoritaires représentent la seule forme naturelle, véridique, susceptible d’entreprendre la réorganisation de la vie économique et sociale sur les bases du communisme libertaire ;

« Que les partis politiques, quel que soit le nom dont ils s’affublent, ne peuvent jamais être considérés comme force motrice de la réorganisation économique, car leur activité se déploie exclusivement sur « le terrain de la conquête du pouvoir étatiste ;

« Qu’un des buts primordiaux du mouvement ouvrier doit être non pas la conquête du pouvoir, mais la suppression de tout organisme dominateur et centraliste dans la vie sociale, étant donné que l’indépendance du mouvement ouvrier est la condition principale sur la route pour la réalisation de son but final ;

« Plaçant ces principes à la base de son activité, le Congrès a considéré que la moindre tentative de subordination des syndicats à des partis politiques quelconques détourne inévitablement la classe ouvrière de ses propres buts et aspirations et que, par conséquent, toute coalition entre les organismes économiques de la classe ouvrière et les partis politiques est dangereuse et néfaste.

« Le Congrès rejette néanmoins la définition trompeuse qui place au même niveau les partis aspirant au pouvoir politique et les groupements idéologiques qui agissent dans la direction de la transformation sociale, en dehors de tout principe d’autorité et d’étatisme.

« Devant cette situation, pleine de dangers pour la