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de voir ce qu’a été et ce que sont encore présentement l’agriculture et le travailleur agricole, la terre étant la propriété de quelques-uns, constitués en classe. Nous allons examiner maintenant ce que seront demain l’agriculture et le travailleur agricole, la terre appartenant également à tous, à la collectivité les classes ayant disparu. Le peuple des travailleurs, tant agricoles qu’industriels, enfin parvenu à l’usage de la raison et las de n’être qu’un troupeau de misérables esclaves, guide par son simple bon sens, a eu la sagesse et le courage de chasser ses exploiteurs ; le prolétariat a pris possession de tous les moyens de production et de transport, du sol et du sous-sol qui désormais appartiennent à la collectivité. Immédiatement, les cultivateurs se sont mis à organiser leur vie dans le sens du mieux-être, de la justice, de la solidarité et de la fraternité. La révolution économique est maintenant un fait accompli, et notre agriculture va voir naître l’ère de la plus grande prospérité que non seulement elle ait jamais connue, mais qu’il soit possible de concevoir, et cela pour le plus grand bien de l’humanité tout entière. Désormais, plus de privilèges, ni de parasites, qui consomment sans rien produire, plus de riches ni de pauvres, plus d’argent ni d’or, pour la possession desquels se sont perpétrés tant de crimes, mais seulement des producteurs qui seront consommateurs, tous les valides à la production, dans la mesure de leurs forces et à la consommation selon leurs besoins. Les invalides, les vieillards et les enfants vivent sur le travail de la collectivité. Le travail est collectif, c’est-à-dire exécuté en commun et la consommation est familiale, en particulier, chacun chez soi. Chaque commune comprend un ou plusieurs groupes agricoles, ou soviets, peu importe le nom, suivant son étendue territoriale. Chaque groupe agricole comprend un nombre suffisant d’habitants pour que soit toujours assurée en temps opportun l’exécution de tous les divers travaux agricoles et en même temps tous les travaux d’intérieur de ferme : soins à donner aux divers animaux domestiques, etc., etc., et les travaux de ménage dans chaque famille du groupe, de manière que tous les travailleurs dont il se compose aient constamment à leur disposition : bonne table, bon gîte et travail rationnel, c’est-à-dire ne nécessitant que peu d’efforts et d’une durée relativement courte, permettant tout le repos nécessaire et les récréations dont tout le monde a besoin, le travailleur agricole n’étant pas un illettré comme le furent ses malheureux ancêtres, mais un homme instruit, vivant sa vie intellectuelle, sa vie du cerveau. Chaque groupe agricole s’adonnera à la culture de ce qui vient le mieux sur son sol et y donne les meilleurs résultats.

Nous avons dit tout à l’heure que la révolution économique réalisée (et il ne peut y en avoir une autre qui mérite réellement ce qualificatif, toutes celles que nous avons vues se glorifier effrontément de ce nom n’ont été qu’un ôte-toi de là que je m’y mette, telles celle de 1789 et la malheureuse révolution de Russie, en 1917) il n’y aurait plus ni parasites ni privilèges, nous devons dire aussi qu’il n’y aurait plus de gouvernants, les mains armées d’une autorité coercitive néfaste ; le principe d’autorité est expulsé de la société nouvelle au même titre que l’or et l’argent et la propriété individuelle. Dans cette société de demain, le nocif principe d’autorité sera remplacé par le bienfaisant devoir d’enseigner à ses semblables tout ce que l’on sait pouvoir leur être utile pour accroître leur bien-être matériel et moral, leur bonheur.

La première préoccupation de la population de chaque groupe agricole sera de pourvoir à tous les besoins matériels de la vie et de mettre leur produc-

tion agricole en mesure de faire face à tous ces besoins.

Pour cela, aidés des conseils des professeurs d’agriculture et des ingénieurs agronomes, secondes par l’expérience des meilleurs techniciens et praticiens que compte leur population, sans négliger le concours des amis des autres groupes voisins, ils organiseront leur production selon les données scientifiques acquises et profiteront de toutes les découvertes de la science pour augmenter les rendements, tout en diminuant l’effort personnel, et cela indéfiniment. S’ils sont dans des pays où existait précédemment la petite ou la moyenne culture, ils s’arrangeront à disposer leur sol en parcelles assez vastes pour l’emploi de tous les outils et machines que comprend actuellement notre matériel mécanique agricole, déjà bien perfectionné, mais qui le deviendra toujours de plus en plus, grâce aux découvertes de jour en jour plus merveilleuses de la science en vue d’augmenter le rendement tout en diminuant l’effort personnel, ce qui se traduit par ce résultat : augmentation du bien-être pour l’humanité. Chaque groupe agricole sera muni de tout le matériel mécanique nécessaire et spécialement propre à satisfaire à tous les besoins du genre de culture auquel il se livre et tous les travaux seront faits en commun sous la direction des ingénieurs agronomes comme nous l’avons dit ci-dessus. Par ce moyen, il se fera une énorme quantité de travail en très peu de temps, l’exécution de ce travail ne nécessitera que très peu d’effort personnel, les heures de labeur pourront être réduites dans une énorme proportion : 4 à 5 heures par journée suffiront à faire toute la besogne.

Dans les temps de fortes chaleurs, au dos du siège de chaque machine sera adapté un parasol qui servira à protéger le conducteur contre les rayons trop brûlants du soleil. À l’heure où nous écrivons, la plupart de nos machines agricoles sont trainées par des attelages de bœufs ou de chevaux ; dans un temps donné relativement court, elles auront comme force motrice des moteurs à essence, et un pas de plus, toutes ces machines seront actionnées par la force électrique. Oui, avant bien longtemps, grâce au secours de la science, la force motrice électrique remplacera toutes les autres, et l’électricité servira encore à nous éclairer, à chauffer nos maisons et à cuire nos aliments. Nous avons dit tout à l’heure que notre outillage mécanique se perfectionnerait toujours de plus en plus, grâce au secours de la science ; cela est incontestable et notre vieille charrue brabant elle-même sera abandonnée et remplacée par des outils qui feront un meilleur travail et nécessiteront beaucoup moins de force de traction. Les rotatives qui n’existent pas encore ne tarderont pas à voir le jour. Les labours en brabants et autres charrues plus légères nécessitent pour l’ameublissement du sol une aération de plusieurs semaines, quelquefois de plusieurs mois, ce qui est un grave inconvénient parce qu’elles découpent et soulèvent la terre en tranches trop épaisses, et c’est pour obvier à cet inconvénient qu’on ne tardera pas à construire les charrues rotatives : défonceuse, laboureuse et bineuse.

Imaginez-vous un appareil muni d’un rouleau, d’un cylindre en fer ou en bois, tournant avec rapidité et armé de petites piochettes, plus ou moins puissantes selon la profondeur du labour, qui découpent la terre en tranches de 4 à 5 centimètres d’épaisseur et la rejettent derrière l’appareil. La défonceuse attaque le sol à 40 centimètres de profondeur, la laboureuse de 10 à 20 centimètres, suivant les cas et la bineuse rotative ne faisant qu’égratigner la surface du sol à 4 ou 5 centimètres de profondeur, tout en le débarrassant de toutes les mauvaises herbes qui le couvrent. La défonceuse et la laboureuse rotatives auront le grand avantage de permettre l’ensemencement ou la plantation sur le sol,