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mes ne sont pas mauvais mais sont rendus méchants par l’organisation d’une société gérée en dépit du bon sens par une poignée d’individus auxquels la grande majorité a légué ses pouvoirs. Pendant des siècles le monde a été dirigé par les autocraties, sans que le peuple comprenne que la forme autocratique était contraire à ses aspirations, à ses désirs et à ses besoins, et lorsque convaincu de son erreur, il s’est attaqué aux institutions qui en découlaient, il s’est laissé illusionner par une nouvelle erreur : le parlementarisme démocratique. Si à une illusion a succédé une autre illusion, la désillusion ne devait pas tarder à en être la conséquence logique, et l’on se rend compte à présent que la démocratie est impuissante à résoudre un problème qui est cependant bien simple, mais dont on se refuse à accepter comme exacte la solution présentée par le communisme libertaire.

Il coule de source que toute illusion étant le fruit de l’erreur et de l’ignorance, il arrive fatalement qu’elle s’écroule, et c’est ce qui fait dire à Pascal que « la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle ». Pas pour tout le monde cependant. Devant les misères de l’humanité, il est des philosophes et des moralistes qui prétendent qu’il est criminel de dessiller les yeux de l’ignorant et qu’il est préférable de le maintenir dans son erreur : ils affirment que l’illusion est un facteur de joie et qu’elle est une compensation à la souffrance et à la douleur. Cela nous amènerait à conclure que le mensonge est préférable à la vérité, ce qui est ridicule en soi, et qui est la négation de tout progrès et de toute évolution. Nous pensons au contraire, que plus l’illusion est grande, plus le réveil est brutal, pénible et douloureux et qu’en conséquence il est un devoir auquel l’homme social doit s’attacher : c’est d’effacer les fantômes qui peuplent le cerveau de ses semblables.

Lorsque l’on aura détruit toutes les illusions du peuple, il n’y aura plus de source de désillusions et l’humanité avancera à pas de géants.

Il arrive parfois que les hommes d’action, devant l’étendue du chemin à parcourir, devant les préjugés qui gouvernent encore le genre humain, s’imaginent également que c’était un beau rêve qu’ils avaient fait lorsqu’ils pensaient rénover l’humanité. Ils se laissent, eux aussi, envahir par la désillusion. Il ne le faut pas. Il faut prendre l’humanité telle qu’elle est en notre siècle, rechercher les causes déterminantes de son activité, en analyser les effets et l’on se rend bien vite compte que ce n’est pas une illusion d’apercevoir dans le lointain la réalisation de nos espérances. Chaque jour amène une transformation, aussi minime soit-elle, à l’organisation sociale des individus. De l’homme sociable dépend tout l’avenir. Il est donc nécessaire que le plus grand nombre d’individus soient rendus sociables, c’est-à-dire débarrassés de toutes les illusions qui peuplent leur esprit. C’est à cette tâche que doivent se livrer les révolutionnaires sincères. La raison et la logique prendront alors la grande place occupée encore de nos jours par le rêve, et les désillusions disparaîtront, effacées par une réalité harmonieuse et positive.


DÉSINTÉRESSEMENT. n. m. Oubli, sacrifice, abnégation. « On trouve l’intérêt presque partout, le désintéressement presque nulle part. » (Boiste). Le désintéressement est la qualité de l’homme probe et sincère qui n’accomplit pas une action pour en tirer un bénéfice particulier et qui n’envisage que le but de cette action. Malheureusement le désintéressement est de plus en plus rare et les hommes sont tiraillés par de basses questions d’intérêts ; ils se déchirent et se tuent pour de l’argent et ce qu’il y a de plus terrible, c’est que certains d’entre eux, les plus forts et les plus puissants, entraînent dans leurs disputes sanglantes des populations innocentes et étrangères à leurs intérêts. Il n’y a

pas seulement le désintéressement d’argent, qui doit être considéré comme une qualité ; il y a aussi le désintéressement politique et social qui peut être considéré comme une faute. Il existe un nombre incalculable de gens qui ignorent totalement ce qui se passe à travers le monde et qui sont tout étonnés le jour où ils sont entraînés dans une catastrophe. Ils se désintéressent totalement de toute question qui semble ne pas exercer d’influence immédiate sur leur vie quotidienne sans comprendre qu’ils ne peuvent pas être étrangers à l’action politique, économique et sociale de la collectivité. Ce désintéressement-là est de l’égoïsme, car celui qui s’en réclame n’aspire qu’à ne pas être troublé dans son existence monotone, et, par sa passivité, il permet aux aventuriers de toutes catégories d’exercer leur pouvoir au détriment de la grande masse des asservis.

S’il est bon et beau d’être désintéressé au point de vue financier, il n’est pas moins utile et nécessaire d’être intéressé au point de vue social et de rechercher les causes de toutes choses. L’anarchiste doit apprendre pour savoir et connaître et pour associer à l’abnégation de soi l’intérêt pour tout ce qui touche ses semblables.


DÉSINVOLTURE. n. f. Tournure pleine de grâce, d’aisance ; allure dégagée. Avoir de la désinvolture dans ses gestes, dans ses mouvements. Un individu désinvolte est un personnage dont la « liberté » frise parfois l’inconvenance et dont les actions sont souvent choquantes. Sous le masque de la franchise, la désinvolture cache généralement de la sécheresse de cœur et de l’égoïsme. C’est avec désinvolture, c’est-à-dire avec un laisser-aller complice et coupable que les hommes d’État livrent les pays qu’ils dirigent aux gros potentats de la finance et de l’industrie, et qu’ils mettent toutes les forces actives des nations au service d’une classe de privilégiés. C’est à la désinvolture des politiciens, qu’il ne faut pas prendre pour de la franchise, qu’est due la guerre maudite qui dura quatre ans et demi et fit périr plusieurs millions d’hommes, et c’est encore cependant avec désinvolture que ces mêmes politiciens responsables de la tragédie de 1914 se présentent devant le peuple. N’est-ce pas là une inconvenance n’ayant d’égales que la bêtise et la lâcheté des masses populaires qui ne trouvent pas en elles la force de se révolter devant un tel sans gêne, et de chasser les mauvais bergers qui, depuis des années et des années, les trompent et les grugent ?

On constate avec peine que les opprimés acceptent leur sort comme une fatalité et ne sont pas moins désinvoltes que ceux qui les dirigent ; il semblerait qu’ils ne peuvent rien contre tous les fléaux qui se sont abattus sur eux et contre ceux qui les menacent encore, Pourtant ce sont eux les premières victimes de toutes les catastrophes sociales inhérentes au régime capitaliste.Peut-être serait-il temps, si le monde ne veut pas se laisser engloutir dans le sang et dans la ruine, que les peuples se décidassent à envisager l’avenir avec un peu moins de désinvolture.


DÉSISTEMENT. n. m. Action de se désister, de se départir, de renoncer à quelque chose que l’on désirait et pour laquelle on a formulé une demande ou commencé une action. Juridiquement le désistement est l’acte par lequel une partie, engagée dans un procès, retire la demande qu’elle avait formée ; elle est dans ce cas, soumise au payement de tous les frais occasionnés par la procédure. On appelle aussi désistement en langage électoral, l’action qui consiste à retirer sa candidature au bénéfice d’un autre candidat. Le désistement électoral donne lieu à une série de marchandages queue peut supposer l’électeur naïf qui compte