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sans voile » (Vauvenargues). La franchise est une belle qualité, surtout en notre siècle de fourberie et de mensonge, où les hommes francs deviennent de plus en plus rares. La fausseté, la dissimulation, l’hypocrisie règnent en maîtresses sur le monde, à un tel point que l’homme du peuple habitué à être trompé ne veut plus écouter celui qui lui parle loyalement et avec franchise. Le jésuitisme a pénétré partout et le mensonge a été élevé en symbole. « La fin justifie les moyens » et pour atteindre le but on n’hésite plus à mentir et à tromper. C’est le résultat de la morale bourgeoise enseignée depuis des siècles. Ce qu’il y a de plus horrifiant, c’est que des organisations d’avant-garde, des organisations se réclamant du prolétariat et faisant figure révolutionnaire considèrent également la franchise comme une faiblesse et, par leur propagande, poursuivent consciemment ou inconsciemment, une œuvre de corruption sociale. Le peuple s’apercevra-t-il, avant qu’il soit trop tard, de son erreur, et se tournera-t-il enfin vers ceux qui lui sont attachés, qui le défendent, et qui, en toute occasion, agissent avec probité et franchise ?


FRANCHISME Mot créé par Jean Barral, directeur de la Revue L’École Franchiste, défendant les thèses se rattachant à « l’ordre naturel de l’économie sociale ». Cet « ordre naturel de l’économie sociale » se base sur l’introduction du sol, du numéraire (monnaie) et du commerce francs, connus sous les lettres lapidaires de F.F.F.

F.F.F. — Sol franc, Monnaie franche, Économie (commerce) franche.

Introduction. — La question sociale ou de l’exploitation. — Demandez aux individualistes, anarchistes, communistes ou même aux bourgeois, ce qu’ils entendent par réformes sociales, et votre analyse de fond découvrira qu’ils renonceraient volontiers (à part les fanatiques) à leurs revendications de titre, pourvu que soient réalisées leurs exigences économiques. Intuitivement ils se rendent compte que ce sont ces exigences économiques qui forment la pierre fondamentale de leur « milieu ».

Les sociologues qui n’apportent pas leur attention primordiale à l’égoïsme naturel de l’homme et, par extension, de la masse, font fausse route. Dans cet égoïsme naturel de l’homme sont comprises toutes ses aspirations. Elles sont en tout premier lieu des aspirations ou besoins physiologiques primordiaux, tels que : satisfaction sexuelle, manger, boire et dormir. Viennent ensuite les besoins que crée et développe la civilisation à différents degrés.

Dans notre économie sociale capitaliste — et les révolutionnaires ne s’en rendent généralement pas assez compte — nous jouissons de toutes les libertés imaginables, pourvu que nous possédions les moyens de les « payer » (Quand la bourse est vide, c’est alors qu’on pousse le cri de liberté !). C’est ça que sentent instinctivement les prolétaires (c’est-à-dire les exploités, travailleurs de n’importe quel métier), sans s’en rendre compte au juste, et de là leur pensée, leur esprit « capitalisé ». Il n’y en a que fort peu ayant saisi la question de l’exploitation dans ses vraies causes. Ce sont aussi les seuls qui sauront montrer le bon chemin pour l’avènement de la société en accord avec nos tendances anarchiques naturelles.

Les milieux dits avancés stigmatisent le programme capitaliste par : exploitation de l’homme par l’homme. La première question à solutionner reste donc toujours : comment, par quoi et quand se fait-elle, cette exploitation ? Ensuite, quels sont les meilleurs moyens pour anéantir les causes de l’exploitation et comment devra être le système économico-social naturel ? Car un tel système doit garantir des bases égales de lutte pour la vie, enfin la libre concurrence pour tous. Cette société

nouvelle portera inscrit sur son seuil : « A chacun selon ses efforts. »

Exploitation et revenu sans travail sont synonymes. — Là où il n’y a pas d’exploitation il ne peut y avoir de revenu sans travail et inversement. Ce revenu du travail est une partie frustrée (50 % jusqu’à 75 % et plus suivant les périodes de hausse ou de baisse économiques) sur le revenu intégral du travail. C’est sur le pourcentage de ce prélèvement qu’on pourra mesurer, pour ainsi dire, la somme de misères des classes laborieuses. La question du revenu du travail est l’être ou le non être de l’exploité. Mais peut-on mesurer et fixer le revenu intégral du travail ? Certes, c’est par le libre jeu de l’offre et de la demande que se fixera et se mesurera librement et individuellement ce revenu intégral. Dans la société (économie) capitaliste, la concurrence libre n’existe pas, et c’est pourquoi il y a exploiteurs et exploités. Le revenu du travail n’est ni le produit du travail (machine, pièce détachée, labourage, écrit, musique, etc.), ni le numéraire ou la monnaie en compensation de ce travail. Le revenu intégral ou partiel du travail est la quantité de produits qui peuvent être utilisés, consommés en échange du travail fourni. Ce n’est donc pas le produit du travail qui intéresse l’ouvrier en général, vu qu’il ne saura l’utiliser directement (à part peut-être le produit agricole), et le salaire n’est pas, non plus, le revenu du travail, puisque les prix des marchandises sont variables.

Si tous les produits que nous consommons ou utilisons (et ils passent par une foule de manipulations partielles : à la mine, à la fabrique, au transport, à la vente, etc.), n’étaient vendus qu’au prix comprenant uniquement les salaires pour les travaux multiples exécutés à la confection, vente, etc., de ceux-ci, nous n’aurions plus à subir d’exploitation, vu que nous payerons alors seulement les travaux effectivement rendus, et tout travail vaut salaire ou compensation. Cependant nous payons bien plus et nous subissons l’exploitation. Donc nous devons analyser le prix des produits, à savoir si, en dehors des salaires de travail, y sont contenus d’autres éléments. Pour répondre à cette question il nous faut partir, non d’un individu isolé, mais de la collectivité des producteurs, respectivement de la totalité du revenu collectif. Maintenant il s’agit de connaître les lois qui régissent la répartition du produit intégral de l’économie sociale, afin de savoir qu’elles peuvent être les déductions en dehors des salaires effectifs ?

Les lois de la répartition du produit collectif dépendent des trois facteurs principaux de l’économie sociale, à savoir :

a) Sol et sous-sol, y compris les matières premières ;

b) Capital (monnaies, moyens d’échange, de production, etc.) ;

c) Travail.

Nous savons maintenant que le produit se réalise par l’entente de ces trois facteurs et nous allons aussi comprendre plus loin que le marxisme, dont se réclament, directement ou indirectement, presque tous les socialistes, est sur une fausse route. Aussi, l’hypothèse bien marxiste de ce que le capitalisme était à son apogée, qu’il se tuait soi-même, qu’il disparaîtrait de par la loi inhérente en lui, etc., est absurde. Ce capitalisme ne nous causerait probablement, à l’heure actuelle, plus de souci, si Marx avait eu raison. Le fait est le contraire : le capitalisme est aujourd’hui plus puissant que jamais et les crises économiques et politiques ont plutôt l’air de le rajeunir et de le fortifier.

Donc, le partage de la production collective se fait par ces trois facteurs :

a) Sol et sous-sol · · · · · · · · · · Rente foncière

b) Capital · · · · · · · · · · · · · Intérêt sur le capital

c) Travail · · · · · · · · · · · · · · · · · Salaire