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vertes, dont il ne bénéficie matériellement que rarement et dans une faible mesure, sont presque toujours accaparées par les spéculateurs qui s’enrichissent honteusement du travail et de la pensée d’autrui.

Non, l’appât du gain ne fait pas jaillir la lumière et, en aucun cas, il n’est un facteur de civilisation. Au contraire, l’appétit insatiable des capitalistes, l’amour du gain toujours plus grand, plus considérable, les pousse dans des aventures guerrières dont la classe ouvrière paie tous les frais. C’est pour que leurs maîtres accumulent des gains considérables, que les travailleurs sont contraints de produire pendant de longues heures, pour des salaires de famine, et de se faire tuer sur les champs de bataille, lorsque leurs exploiteurs, pour arrondir leurs gains, cherchent des débouchés dans les pays coloniaux ou à l’étranger. Le gain, en réalité, c’est le produit du vol licite, du vol légal et, au sens propre du mot, il ne peut être moral.

Tant qu’une société, quelle qu’elle soit, même si elle se réclame de tendances, de principes socialistes ou révolutionnaires, admettra ou permettra le « gain », la question sociale ne sera pas résolue. Ce n’est que lorsque tous les organismes des vieilles sociétés bourgeoises seront détruits et que l’industrie travaillera pour satisfaire les besoins de tous et non pas pour satisfaire aux exigences immodérées d’une minorité de ses semblables, que la révolution sera un fait accompli. Le gain ne sera plus alors le fruit d’une spéculation ou d’une exploitation, mais le résultat d’un travail profitant à toute la collectivité humaine.


GALÈRE n. f. (de l’italien Galera). Navire de guerre des anciens, à un, deux ou trois rangs de rames. Les plus petits de ces navires avaient, à chaque rang et de chaque côté, dix rames ; les plus grands en avaient cinquante. En France, les premières galères furent construites sous le règne du roi Charles IV. Le mot galère est aujourd’hui usité comme synonyme de « bagne ». Cela tient à ce qu’il fut un temps où les forçats accomplissaient leur peine sur les galères. « C’était, dit le Lachâtre, la peine la plus communément usitée. Les femmes ne pouvaient être condamnées aux galères. On commuait cette peine tantôt en une détention à temps ou à perpétuité, le plus souvent en celle du fouet et du bannissement. Voici comment s’exécutait cette peine : les condamnés, après avoir été préalablement fustigés et flétris, étaient transférés dans une prison jusqu’à ce qu’ils fussent en nombre suffisant pour former une chaîne. On leur passait alors un anneau de fer au cou, un autre au bas de la jambe ; on reliait ces deux anneaux par une chaîne qui tenait, d’une part, à l’un des poignets, de l’autre à la grosse chaîne, à laquelle les galériens étaient attachés deux à deux, l’un à droite, l’autre à gauche. Ils marchaient ainsi à pied, de ville en ville, sous la garde de chiourmes, jusqu’au lieu de leur destination où, étant arrivés, on les détachait de la grosse chaîne pour les enchaîner dans la galère, chacun à son banc. En 1748, les navires à rames ayant cessé d’être en usage dans la marine, les galériens furent employés aux travaux des ports et des arsenaux. »

De nos jours, il ne reste donc plus des « galères » que le nom. Les forçats ne sont même plus employés dans les arsenaux, mais expédiés dans de lointaines colonies pénitentiaires et livrés, sans contrôle, à la brutalité des gardes-chiourmes. (Voir les mots bagne, travaux forcés, forçat).

Le mot galère est également usité à présent, au sens figuré, pour signaler une condition désagréable ou une situation pénible. Une vie de galère. Un travail de galère. Il n’est pas besoin d’aller au bagne pour voir des hommes condamnés à la galère perpétuelle. Face à la richesse insultante des riches, il est des êtres qui

fournissent un travail au-dessus des forces humaines et mènent une véritable vie de galériens. Il faut avoir visité certaines contrées minières ou pénétré dans certaines grandes usines métallurgiques pour se rendre compte de ce que le capital exige de son prolétariat, en échange d’un salaire insuffisant pour vivre ; l’existence de certains manœuvres, qui travaillent sur les grands navires commerciaux, n’est pas non plus de beaucoup supérieure à celle des galériens de jadis ; à part les chaînes elle est à peu près identique. Que de chemin il reste encore à parcourir pour que la terre, qui est un paradis pour une minorité, ne soit plus une galère pour la grande majorité ! C’est au prolétariat, parce que c’est chez lui que se recrute le galérien, qu’il appartient de transformer tout cela. Avec un peu d’énergie, de volonté et de courage, il le peut ; mais il faut aussi pour cela qu’il se libère de tous les préjugés qui le tiennent, comme un galérien, rivé à la chaîne.


GALERIE n. f. (du latin galeria). On donne le nom de galerie à une pièce, ordinairement plus longue que large, et qui sert à donner des fêtes, des concerts, à réunir ou à exposer des tableaux et autres objets d’art. Les galeries d’un palais ; les galeries d’un musée ; une galerie de peinture. Au théâtre, on appelle galerie tout ce qui n’est pas le parterre. C’est un balcon fourni de banquettes pour les spectateurs. La première galerie ; un fauteuil de troisième galerie. On donne aussi le nom de galerie aux routes que les mineurs creusent au fond de la mine. On distingue plusieurs catégories de galeries. Une galerie inclinée qui suit le gîte, c’est-à-dire une masse de minerai, s’appelle enlevure, montagne, montage, etc. ; une galerie très inclinée prend le nom de fendue ; celle qui amène l’air dans tous les coins de la mine est la galerie d’aérage.

Au figuré, on donne le nom de galerie à ce que l’on considère comme l’assistance ; travailler pour la galerie, c’est-à-dire pour ceux qui observent, qui regardent. Il est quantité de gens qui ne vivent que pour la galerie et qui s’inquiètent toujours de ce que l’on pense de leurs gestes et de leurs actes. Ils empoisonnent ainsi leur existence. Il en est d’autres qui ont certaines attitudes pour la galerie et dont la vie est un éternel mensonge. C’est pour la galerie que nos politiciens se disputent durant des heures dans les parlements, car c’est toujours dans les coulisses que se traitent les grandes affaires politiques. La galerie, c’est le peuple, et le peuple se laisse tromper aisément. Les politiciens en profitent.


GALIMATIAS n. m. Discours confus, embrouillé, inintelligible. Le Lachâtre nous dit que ce mot provient « du quiproquo d’un avocat qui, plaidant en latin pour le coq de Mathias, à force de répéter gallus Mathiae, en vint à dire galli Mathias, ce qui fit rire tout l’auditoire, de manière que l’expression se conserva pour signifier un discours embrouillé ».

Rien n’est plus désagréable, pour un auditeur, que d’être obligé d’écouter un discours obscur, où les idées sont sans suite, les pensées développées sans aucun ordre, et qui est souvent inintelligible même pour celui qui le fait.

A celui qui veut propager une doctrine, qui cherche à faire partager ses sentiments ou ses opinions à ses semblables, la sincérité, la volonté et le courage ne suffisent pas ; il faut aussi de la clarté. « La profondeur donne à penser ; l’obscurité donne à deviner ; le galimatias est une attrape dont souvent l’auteur est la première dupe », dit Levis. Ayons donc soin, chaque fois que nous avons à charge de présenter au public nos idées, nos aspirations, nos espérances, de parler clairement, posément, simplement, afin d’être compris de tous et de toutes, pour que l’on ne puisse pas dire en nous écoutant : « Quel galimatias ! »