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Du fait de la révolution, les besoins seront considérablement accrus. Il faudra les satisfaire aussi largement que possible.

De nos jours, une révolution qui ne permettrait pas d’augmenter rapidement la production, de réaliser un progrès tangible et presque instantané, serait infailliblement vouée à l’échec.

On peut en conclure que, selon que les syndicats seront ou non capables d’accomplir les tâches ci-dessus, la révolution vivra ou mourra. C’est toute la révolution qui se jouera donc dès les premiers jours.

Comment peut-on réduire au strict minimum le temps d’arrêt de la production et reprendre au plus vite les échanges ?

En utilisant immédiatement, sur le plan syndical, les forces conjuguées qui, de tout temps, ont assuré et assureront la vie de la société : les manœuvres, les techniciens et les savants.

Si cette conjugaison est opérée au préalable, toutes les forces de la production seront à pied d’œuvre et immédiatement — aussitôt la dépossession — la remise en marche de l’appareil de production et d’échange s’effectuera, sans à-coups, normalement, pour satisfaire les besoins de tous, pour donner à manger à la révolution.

Si cette concentration des forces n’est que partielle, le succès sera plus lent, plus difficile, moins complet. La vie de la révolution pourra être en danger. Si ces forces ne se soudent pas au plus tôt ; si, enfin, la conjonction n’est pas commencée, si les manuels, les techniciens et les savants n’opèrent pas, tout de suite, leur groupement au sein du syndicat, c’en sera fait de la révolution. L’insurrection politique triomphera et, avec elle, un nouveau pouvoir étatique.

Il n’y a, à ce sujet, aucun doute à garder, aucune illusion à conserver. Le peuple se sera donné de nouveaux maîtres. Sa libération ne sera pas encore pour cette fois.


En examinant la question des techniciens, j’ai déjà exposé les raisons essentielles qui devaient inciter tous les travailleurs : manuels, techniciens et savants, à réaliser étroitement et aussi rapidement que possible la fusion de tous les éléments de la production, sans attendre l’ouverture de la période révolutionnaire pratique.

J’y reviens avec la plus grande insistance et j’insiste avec plus de force que jamais auprès des éléments dont il s’agit pour que tous les travailleurs fassent au plus tôt leur unité de classe.

Cette unité de classe est le facteur décisif de la lutte qui s’engagera lors de la déclaration de grève générale insurrectionnelle et expropriatrice, premier acte de la révolution.

La suppression de la propriété individuelle qui permet, seule, de réaliser l’égalité sociale, par le nivellement des classes, obligera les travailleurs à jeter immédiatement les bases d’un nouveau système, dont le syndicat sera le fondement industriel et l’union locale (ou commune) le fondement social.

Le nouvel ordre social, comme tous ceux qui l’ont précédé, sera conditionné par le caractère de la production, par son organisation, sa répartition, son utilisation, son échange.

C’est donc essentiellement sur le plan du syndicat, dans son sein, suivant ses directives, que doit s’effectuer le groupement de tous les éléments qui concourent à la production, à l’échange.

Si l’on veut bien se rappeler que la révolution doit abolir la propriété individuelle dès le premier jour, on conviendra que tout individu valide, quel que soit le genre de son activité, doit trouver place dans un syndicat.

En période révolutionnaire, et longtemps après, tou-

jours peut-être, le syndicat doit être et sera la cellule essentielle de l’ordre nouveau.

C’est lui qui aura charge, non seulement de provoquer l’arrêt du travail par la grève générale ; d’occuper, par ses membres, le lieu de la production ; d’organiser la production, sous le contrôle de l’Union locale ; mais encore de défendre les instruments de travail, par les armes, contre les entreprises réactionnaires.

Il est l’agent d’exécution permanent, dans tous les domaines, des décisions locales, régionales et nationales sur son plan particulier, dans toute l’étendue de sa sphère. C’est lui qui, pratiquement, organisera la grève générale, suivant les décisions prises. C’est donc un organe complet, qui doit continuer à être la base du système nouveau, comme il est la base de notre organisation ouvrière actuelle.

Les Conseils d’usine, les Comités d’ateliers ne doivent être que les agents du syndicat, constamment contrôlés par lui. C’est le syndicat qui coordonne l’action des Conseils d’usine et centralise leurs renseignements. Le syndicat est un organisme industriel. Le Comité d’atelier et le Conseil d’usine, de chantier, de magasin, de bureau, de gare, de port, etc., ne sont que des sous-organismes industriels, de métier. Cette différence suffit à assigner aux uns et aux autres leur véritable place dans l’ordre industriel et social.



Après cette digression nécessaire, revenons à la grève générale elle-même.

Je déclare tout de suite qu’elle doit être préparée soigneusement par un Comité de grève générale, secret autant que possible, fonctionnant au sein de tous les organismes syndicaux : syndicats, Unions locales, Unions régionales et C.G.T.

Chacun de ces organismes, guidé par les décisions des Congrès et des Assemblées syndicales à tous les degrés, a pour mission de préparer, sur son plan, l’action générale du prolétariat.

A la C.G.T., il appartient de dresser le plan général et de le transmettre à l’Union régionale ; à l’Union régionale, il incombe de dresser le plan d’action de la région, en accord avec les directives confédérales ; aux Unions locales, il est dévolu d’organiser l’action locale, selon les indications du plan régional ; aux syndicats, est réservé le rôle d’exécuter l’action locale, en utilisant les moyens qui leur paraîtront les meilleurs.

C’est la deuxième partie du cycle du mouvement fédéraliste qui s’accomplit. A la discussion succède la décision et à celle-ci succède l’action. Cette dernière est la conséquence des délibérations des syndicats réunis en Assemblées générales et en Congrès, dont les Unions locales et régionales et la C.G.T. sont les organes d’exécution des décisions.

On comprendra aisément que je n’entre pas ici dans le détail de l’organisation, à tous les degrés de la grève générale insurrectionnelle et expropriatrice.

Je me borne à demander très instamment aux organismes qualifiés de préparer ce travail aussi activement que possible.

De la façon dont sera préparée la grève générale expropriatrice et insurrectionnelle dépend le salut de la classe ouvrière. — Pierre Besnard.


GRIMOIRE n. m. (de grammaire). Livre dont se servaient les sorciers et les magiciens pour se livrer à des opérations surnaturelles et évoquer les démons. Les charlatans ont existé de tous les temps et les sorciers des siècles passés prétendaient, en consultant leurs grimoires, composés avec des signes cabalistiques et des mots étranges, dévoiler le présent, le passé, et l’avenir. Les naïfs et les ignorants se laissaient influencer par cette comédie.

Il ne faut pas trop se moquer de nos ancêtres qui