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et le superflu, une telle société est appelée à disparaître.

Il ne faut pas croire que les gueux sont tous des êtres ignorants et incapables de se rendre utiles. Ce sont presque toujours des faibles. Il faut savoir jouer des coudes dans notre belle société, et celui qui ne sait pas se faire valoir est impitoyablement écrasé. Et c’est pourquoi les gueux sont nombreux. Pauvres errants, ils n’ont rien à attendre de l’organisation sociale actuelle, sinon la mort. La philanthropie et la charité ne sont que des pis-aller qui, loin d’adoucir le sort des gueux, perpétuent leur calvaire, et ce n’est que dans la transformation totale de la société que l’on peut trouver un remède à ce mal social.

La bourgeoisie, qui est responsable de cette gueuserie, prétend que les gueux ne sont que les victimes de la paresse et de l’ivrognerie ; c’est une lâche calomnie à laquelle il n’est même pas utile de répondre, car la bourgeoisie se sent bien incapable d’ouvrir une porte aux gueux qui peuplent la terre. Et lorsque nous assistons à toute cette misère qui s’étale pitoyablement, lorsque nous rencontrons sur notre route, ces gueux qui sont nos frères, nous sentons se développer en nous, plus intensément encore, notre désir de révolte, puisque c’est par la révolution seulement que l’on pourra mettre un terme à ce régime d’injustice et d’inégalité qui nous étreint.


GUIDE n. m. (du latin guida, même signification). Ce qui sert à guider. Celui ou celle qui dirige, qui conduit, qui montre le chemin. Un bon guide ; un guide expérimenté ; un guide fidèle. Dans les excursions, dans les ascensions dangereuses, on emploie des guides qui connaissent le pays que les voyageurs veulent explorer.

Pour s’orienter sur la voie de sa libération et de son émancipation, le peuple a, lui aussi, besoin de guides. Malheureusement il ne sait pas toujours les choisir, et c’est l’unique raison pour laquelle il s’égare et s’éloigne si souvent de la bonne route. La plupart de ceux qui acceptent de servir de guides au peuple ne cherchent, en réalité, qu’à devenir leurs maîtres pour profiter de son ignorance. Mais le peuple a si souvent été trompé qu’il s’aperçoit à présent de ses erreurs et se détache petit à petit de ses mauvais guides.

A force d’emprunter les mauvais chemins où le conduisaient des guides intéressés, il a trouvé la bonne route et n’a plus maintenant qu’à la poursuivre. Qu’il se détache de la politique et, bientôt, ses efforts seront couronnés de succès.


GUILLOTINE n. f. Instrument de supplice utilisé en France pour les exécutions capitales. Empruntons au Larousse sa brève description de la guillotine : « L’échafaud se compose essentiellement de deux montants élevés sur des madriers posés en croix sur le sol. Entre les deux montants descend une lame triangulaire, dont la

chute est commandée par un simple bouton. Le corps du patient, posé sur une planche, est amené sous le couteau, de façon que le cou soit pris et maintenu entre deux planches dont la supérieure est mobile et qui, au moyen d’un évidement semi-circulaire de chacune d’elles, forment un trou (la lunette). »

C’est bien à tort que l’on attribue à Guillotin l’invention de la guillotine. Le médecin Guillotin était membre de l’Assemblée Constituante et proposa, le 10 octobre 1789, de soumettre tous les condamnés à mort au même supplice, et demanda qu’une machine simple et rapide soit substituée au bourreau. Il ne fournit aucune description de cette machine.

La guillotine était déjà utilisée depuis le début du xvie siècle dans certaines contrées du Midi de la France et en Italie. Ce n’est que vers la fin de 1791 que l’ordre fut donné à un célèbre chirurgien de l’époque, le docteur Antoine Louis, de faire construire une machine pour trancher les têtes. Ce dernier adapta la machine en usage dans le Midi de la France et que l’on appelait la mannaja et commença ses expériences.

Le 19 avril 1792, le docteur Louis écrivait au ministre Rolland : « Les expériences de la machine de Schmitt ont été faites à Bicêtre sur trois cadavres, qu’elle a décapités si nettement qu’on a été étonné de sa force et de la célérité de son action. » Ajoutons que c’est un facteur de pianos, nommé Schmitt, qui avait fourni le modèle rénové de la guillotine. La première exécution eut lieu à Paris, le 25 avril 1792.

Combien de pauvres diables ont, depuis, mis la tête sous le couperet ? Nous n’insisterons pas sur la nécessité brutale des exécutions en période révolutionnaire. Nous savons, et nous le regrettons, qu’une révolution ne se fait pas sans effusion de sang. La révolution est une manifestation violente de l’évolution, et il ne tient qu’à ceux qui détiennent arbitrairement toutes les richesses sociales, de ne pas pousser les opprimés à la violence.

Mais en période de calme, et non pas seulement en nous plaçant au point de vue anarchiste, mais seulement au point de vue humain, la peine de mort est une iniquité sans nom.

Qu’importent les moyens employés pour arracher la vie d’un individu. Certains semblent glorifier la guillotine, prétendant que trancher la tête avec une machine est moins barbare que de la couper avec une hache. Ce n’est simplement qu’une question visuelle, que nous ne voulons même pas discuter, car nous voyons plus haut. Nous disons que personne n’a le droit de disposer de la vie d’autrui ; qu’il n’appartient pas à un individu, quel qu’il soit, d’ordonner la mort d’un de ses semblables, et si un crime est horrible, le châtiment qui se traduit par un autre crime n’est pas moins horrible. Et les peuples feraient bien de penser à faire abolir, dans leurs pays respectifs, la peine de mort, qui est une honte pour une humanité qui se targue d’être civilisée.